Introduction ~ PV Groupe des Koalas

La musique, si forte qu'elle m'empêche de réfléchir. L'excitation, si puissante qu'elle s'empare de tout mon être. La foule, si entraînante, qu'elle m'emporte avec elle.


J'éclate de rire, rejette violemment ma tête en arrière. Je domine tout le monde, de ma place. En hauteur, si bien que je vois parfaitement le guitariste des W.A.P faire hurler sa guitare. Un mec que je ne connais pas m'a pris sur ses épaules. Il en profite peut-être, mais je m'en fous. C'est la fête. Le concert.

Quelques heures plus tôt, mon bateau a jeté l'ancre au port de Véridis. C'est une ville neutre, où l'on ne pose pas de questions, et certainement pas celles qui fâchent. Thierry, mon second, m'a dit que Dean avait pour habitude d'y emmener l'équipage pour les jours libres. En ce moment, mes hommes sont éparpillés un peu partout dans la ville. Sûrement dans un bar. Je suis la seule venue au concert parce qu'il paraît que c'est « un truc de jeune ». J'ai emmené Blake avec moi. Comme si on pouvait se séparer.

J'ai entendu la musique alors que je me baladais dans la rue. Envie de rien, envie de tout ce que je n'ai pas. Envie de me lâcher, me défouler. M'amuser. Je me suis glissée dans la foule après avoir déposé mes armes à l'entrée. Personne ne m'a fait de remarque sur le lot de couteaux que je me trimballe. Bonne ville, je vous ai dit. Pas de questions.

Puis, cette chanson. Très connue, mais pas dans ce monde. Moi, je la connais. Je commençai à me déchaîner sur le rythme de la musique, quand ce garçon vint et me souleva dans les airs. Je fis de grands signes au chanteur, qui me répondit. Ensuite, il me fit monter sur ses épaules. Je sais pas.  Ça doit être l'ambiance. Ça me plaît.

Des cris. Ils s'imposent, surplombent la musique. Ce n'est pas des cris de joie. Souffrance, peur, affolement, horreur. Sur le coup, je ne réagis pas. Je m'en fiche. Je veux juste me déchaîner et oublier. Ne pas réfléchir.
Quelqu'un se jette violemment dans le gars qui me porte, le choc me projette à terre. Je roule, me cogne la tête, et la relève juste à temps pour voir le garçon se faire dévorer. Il est aux prises avec une espèce de monstre, la peau en lambeaux, couvert de sang. Ses vêtements sont déchirés. Il n'a plus rien d'humain, ou presque. La peau arrachée de son visage laisse voir sa mâchoire et ses dents sanguinolentes. Ses yeux semblent globuleux, car leurs orbites, ainsi que les paupières sont rongés. Son bras gauche, à moitié arraché, laisse apparaître un os. Les hurlements résonnent dans mes tympans, des morceaux de chairs s'envolent devant moi. Le crâne fracassé, de la cervelle ensanglantée qui s'en échappe, le garçon est maintenant perdu. Paralysée de terreur, je ne peux que contempler le macabre spectacle qui s'offre à moi.

Un cadavre disloqué tombe à mes pieds. La créature qui s'en est repaît avance vers moi, lente et menaçante. Mes instincts de survie refont surface, et je prends appui sur mon pied gauche avant de balayer le sol de l'autre jambe. Je fauche les chevilles du monstre qui s'écroule à terre, poussant des cris rauques d'une voix qui me fait frissonner. En tombant, il attrape ma jambe et en approche sa bouche. Pas question de laisser une chose pareille me bouffer. Allongée sur le dos, m'appuie sur mes avant-bras et lui envoie de toutes mes forces ma jambe libre dans ce qui lui fait office de visage. Le talon aiguille de ma botte, plus dangereux qu'une lame, se plante dans son crâne, le faisant s'écrouler dans un râle étranglé. Le talon de ma chaussure est dégoûtant, à présent. Mais le monstre est à terre, et il ne se relève pas. J'en conclus donc que leur tête - ou du moins ce qu'il y a à l'intérieur - est leur point faible.
- Relève toi ! me hurle mon instinct. Cours ! Trouve un abri ! Une arme !
Je saute sur mes pieds, évalue rapidement la situation. La panique s'est emparée de la foule, qui me bouscule. Il faut que je m'éloigne. J'attrape Blake qui manque de se faire piétiner et le jette sur mon épaule.
Fuir. Se cacher. Se défendre. Mon esprit de survivante refait surface. Je suis Nihal, la fille qui sait rester en vie, qui sait quoi faire, à quel moment, et de quelle façon. Nihal qui trouve toujours une solution.

J'attrape une bouteille d'alcool qui traîne sur le goudron et la brise sur la tête du premier monstre qui s'approche de moi. Inutilisable. Il me faut quelque chose de plus dur, quelque chose de long et qui peut briser un crâne. Je m'engage dans une course folle, poussant les autres fuyards. Chacun pour sa peau. Je me baisse, esquive les coups, me libère des mains qui m'attrapent. Lorsque je me retrouve un peu plus à l'écart, je me permets deux minutes pour réfléchir. Je repère sur le sol un panneau stop, dont la tige en métal a été brisée en deux, le raccourcissant considérablement. Automatiquement, je bondis pour l'attraper. Mon côté elfe me donne la force de le soulever et de le manier. Voilà, j'ai une arme, et elle ne se brisera pas de sitôt. Un abri, maintenant. Il faut s'éloigner.
A quelques mètres de moi, une jeune fille, tirant un homme par la main, s'enfuit en direction de la rue. Sur un coup de tête, je décide de les suivre.
« Putain... pourquoi est-ce qu'il fallait que je mette des talons un jour pareil ? »
Un couinement de Blake me fait m'arrêter et tourner la tête vers la foule encore présente au concert. Ce que je vois me fait frissonner. Ils se multiplient. Ils se mordent les un les autres, et transmettent une espèce de « virus ». Le mot « Zombie » s'impose dans ma tête. Zombie. Comme dans les films terriens, que je regarde tout le temps dans ma cabine. Zombie. Ces morts-vivants bouffeurs de chair humaine, ne disposant que des fonctions motrices de base, et dont la seule motivation est de se nourrir. Combien de temps avant qu'il ne reste plus que moi ? Je sais que je ne me ferais pas avoir. C'est quelque chose que j'ai dans le sang, je suis une survivante. Une putain de survivante.
Je me remets à courir après les deux inconnus. Quelque chose me pousse à les suivre. Il ne faut pas que je reste seule, je dois faire équipe.

Cachée derrière une devanture de magasin, je les observe. La voie est libre. Ils ont l'air normaux, et aucun zombies ne leur fait face. Je me décide alors à sortir de ma cachette, et à déclarer ma présence.

- Hey, vous n'avez pas été mordus, j'espère ? Moi c'est Nihal. Je vous propose qu'on fasse équipe pour se sortir de cette merde.

J'ai plutôt bien choisi mes partenaires. La fille m'a l'air sportive, et plutôt dégourdie, et le garçon également. Et puis, il est plutôt mignon. Super mignon, en fait. Mais il émane de lui une impression de danger - plutôt étrange - comme si quelqu'un l'avait marqué comme sa propriété. On a l'impression bizarre que si on s'approche un peu trop près de lui, un animal dangereux pourrait nours attaquer. Quoi ? Allez savoir. Un tigre, un crocodile, un draco-tyranosaure, un canard, un loup, un...
Une minute. Un canard ? Mon dieu, cet alcool est plus fort que ce que je le pensais.
Mets de l'ordre dans tes pensées Nihal, petite survivante. Tu as du boulot devant toi. En effet, un groupe de ces saloperies de monstres se ramènent en titubant. Horrible. Horrible. Je n'ai pas envie de voir, mais mes yeux sont remplies d'horreur. Alors je regarde cette chose approcher, ma main crispée sur le manche de mon arme de fortune. Horreur. Horrible. C'est un enfant, ce petit monstre qui rampe vers moi ? C'est un enfant. C'est un mort. C'est un monstre. Une horreur. Fermant les yeux, sans regarder la lueur de folie dans les yeux du gosse, j'abats mon panneau sur son crâne. Il s'écroule, définitivement cette fois. Horreur. J'ai tué un enfant. J'ai de la putain de cervelle de gosse sur mon arme cabossée. J'ai tué un enfant, et la seule chose que je pense est "c'est mieux comme ça". Parce que c'est un mosntre, et que, même si c'est horrible, je dois survivre.
Je me débarrasse des autres avec mes nouveaux associés. Un coup par ci, un autre par là. Je ne regarde pas les visages. Ca ne sert à rien, c'est trop horrible, trop douloureux. Ils en veulent à ma vie, et ça suffit pour mourir. Allez, Nihal. Un dernier, et c'est fini. Voilà. Ne regarde pas. Tu en as terminé.
Une horde approche. Trop nombreux, cette fois, pour que l'on puisse tous les tuer sans y laisser notre peau.

- Il faut s'éloigner d'ici. En vitesse.

Je regarde autour de moi. Les murs ne sont pas très hauts, et ça m'étonnerais qu'un zombie nous suive sur les toits.
- Suivez moi ! je lance en escaladant la paroi.
Les zombies sont sur nous quand je m'accroche aux prises. L'un d'entre eux me tire par la jambe, un coup bien placé suffit à le faire reculer. Je grimpe, jusqu'en haut, tout en haut, là où jje suis en sécurité. Puis je me penche, tends ma main à Ruby pour la faire monter.
- Attrape mon bras ! je crie en voyant les monstres s'approcher dangereusement.