Perdu sur Terre

Une rencontre... inattendue...

Musiik d'ambiance ♪
Décidément, je trouve que ce titre va à merveille avec ce qu'il m'est arrivé aujourd'hui. Oui, cette rencontre était vraiment inattendue. Qui peut s'attendre à rencontrer une elfe, par une journée pluvieuse, alors qu'on allait faire des courses ? Pas moi, en tout cas. Je n'aime pas trop l'idée qu'AutreMonde puisse venir jusque chez moi. Ça me met mal à l'aise. Surtout que je n'y suis allée qu'une fois. J'en garde d'assez mauvais souvenirs... mais aussi des excellents. Je pense à Lisa, évidemment. Je crois que cette fille fut la plus belle rencontre de ma vie. Je n'ai jamais pensé que je puisse aimer une fille, autrement que pour son physique, je veux dire. A part May, bien évidemment.

May... Je pense tout le temps à elle depuis qu'on habite plus ensemble, depuis qu'elle est partie à l'université. Enfin, je pensais aussi tout le temps à elle avant. Je pensais à ce qu'elle allait devenir si je ne pouvais même pas lui payer un endroit confortable. J'étais en ruine totale. A cette époque, pendant certains moments j'ai eu des envies de meurtre. Elles ne se sont pas concrétisées, heureusement. J'avais déjà assez de problèmes pour ne pas en avoir en plus avec la justice.

Enfin bref, arrêtons de repenser au passé et revenons à l'instant présent. J'étais donc allé faire des courses, pour pouvoir manger quelque chose ce soir (ce serait pas mal) et j'avais fait une rencontre inattendue (comme l'indique le titre). Une elfe. Je ne l'avais pas reconnue comme tel au départ, avec la cape qui couvrait ses oreilles. Je me demande pourquoi elle n'a pas modifié ses oreilles avec de la magie. Peut-être est-elle une nonso, comme moi. Pourtant, je voyais très bien ses yeux, ils étaient modifiés. Ce n'étaient pas des yeux d'elfes. Je ne sais pas vraiment ce qui a provoqué le déclic, peut-être l'aura puissante que dégagent en général les elfes. Tout le monde ne serait pas capable de déceler cette aura. Finalement, peut-être que la transmission des gènes de sortcelier de mon père, même si je suis Nonso, ne m'a pas rendu indifférent.

Je vis avec ces informations depuis que je suis tout petit. Et même en bon mythomane que je suis, je ne les ai jamais dévoilées. Je sais à quel point elles sont importantes. C'est la survie de dizaines de peuples qui est mise en jeu par ce secret. Je suis bavard, mais pas stupide, et surtout, je ne suis pas un meurtrier. Je ne suis pas et n'aime pas les meurtriers. Vous pouvez donc comprendre que lorsque j'ai vu cette elfe, je me suis méfiée. D'après tout ce que j'avais lu et appris sur les elfes, ils faisaient partie du peuple le plus meurtrier. Mais je n'étais même pas sur que ce soit une elfe, après tout. Je gardais donc ma méfiance pour moi et regardais l'elfe dans les yeux.

Pourquoi m'avait-elle abordé, moi ? Il y avait plein de passants autour. Elle a peut-être senti, tout au fond de moi, les gênes magiques qui m'ont été transmises par mon père. Elle a peut-être senti que j'avais quelque chose à voir avec AutreMonde. Qui sait? J'espère qu'il n'est rien arrivé. Peut-être est-ce une messagère, venue me révéler un grave secret à propos de mon père ? Non, comment cela se pourrait-il ? Qui se préoccuperait d'un petit Nonso comme moi ? Je ne suis même pas déclaré au Conseil Magique comme le fils d'un sortcelier.

Je ne savais absolument pas ce qu'elle me voulait. Lorsqu'elle me regarda dans les yeux, j'y vis la détermination farouche d'une guerrière, j'y vis la haine qu'elle avait envers ses ennemis. En fait, je ne voyais rien de tout ça, mais j'imaginais qu'elle ressentait souvent ça. C'était une guerrière, cela se voyait. Un corps musclé, quelques (très) discrètes cicatrices, et je crus même voir étinceler, à sa hanche, la lame d'un poignard caché.

« Bonjours ! Pouvez-vous me dire ou je suis et quel est la grande ville la plus proche »

Rien d'intéressant en perspective. Elle n'a donc pas remarqué que j'avais des liens avec AutreMonde. C'est vrai qu'ils sont discrets. Les elfes ont des sens exacerbés, mais pas au point de voir jusque dans mes cellules. Mais pourquoi ai-je senti qu'elle était une elfe, alors ? Peut-être parce que trop de choses coïncidaient. Ce corps d'athlète. Une athlète, ça peut arriver. Une femme aussi musclée est rare, mais pas impossible.
La cape, ensuite. Personne ne porte de cape, sur Terre. Peut-être quelque excentriques. Mais c'est la première Terrienne que je vois avec une cape.
Enfin le poignard. Qui, de nos jours se promène dans la rue avec un poignard [J'ai pris un poignard, mais si tu veux que je mette une arme différent, je modifierais ;D] ? Déjà, posséder une arme sur la voie publique est interdit. Mais les délinquants, les terroristes, n'ont pas de poignard. Ils prennent des armes à feu. or, d'après le peu de connaissances que j'avais sur AutreMonde (j'avais beau n'y être allé qu'une seule fois, j'avais là-bas acheté des livres assez intéressants), les armes à feu y étaient interdites.

Trop de coïncidences, pour quelqu'un qui connait AutreMonde, nous fait arriver à cette conclusion : elle vient d'AutreMonde. Après, je me trompe peut-être. Peut-être est-ce une vampyre, une naine. Je n'en sais rien. Mais l'impression de puissance qui se dégage d'elle me donne tout lieu de penser que ses oreilles sont longues.

Je me penchai vers elle, essayant de rendre mes paroles discrètes. Je m'apprêtais à lui demander... Non, je ne voulais pas qu'elle sache ce que je savais d'AutreMonde. Pas encore. Je lui répondis le plus normalement du monde :

- Vous êtes à Shittle. Vous savez, cette ville n'est pas si petite comme ça. Elle est magique, ajoutais-je en tentant de faire une allusion à AutreMonde.

C'était subtil. Je n'étais même pas sur qu'elle comprenne mon allusion. Les elfes sont intelligents. Et j'avais bien accentué le mot "magique".

- Si vous le souhaitez, je peux vous emmener à la gare la plus proche, afin d'effectuer un Transfert.

On m'avait toujours dit de ne pas révéler quoi que ce soit, à propos d'AutreMonde. Peut-être me trompais-je. Peut-être n'était-ce pas une elfe. Peut-être était-ce simplement une excentrique. Mais si elle n'était pas AutreMondienne, elle ne comprendrait pas. Essayer d'aborder le sujet, mais pas directement. Être sur avant de s'engager. Voilà ce qu'on m'avait appris à faire pour parler d'AutreMonde.

...


Confusion. Méfiance. Menace. Lorsque j'ai vu ces trois sentiments passer tour à tour dans les yeux de la jeune femme, je n'ai plus douté de rien. Quel doute y aurait-il à avoir avec toutes ces coïncidences ? De nombreuses personnes en auraient été assurées bien avant moi. Moi-même, si je ne m'étais pas rappelé de conseils qu'on m'avait souvent donnés à propos de la discrétion que je devais garder sur AutreMonde, je ne me serais pas méfié aussi longtemps.
Elle avait aussi deviné mes allusions. Une elfe sur cette planète doit continuellement se concentrer, afin de ne rien laisser paraître de magique, d'elfique ou quoi que ce soit. Tel que de nombreuses personnes l'auraient fait, malgré la légendaire impassibilité des elfes, cette-ci a délaissé son attention durant quelques secondes, quelques secondes qui m'ont permis d'être sur de ce dont je me doutais. Quelques secondes qui pourraient peut-être m'être fatales, si l'elfe n'est pas pacifique et ne veut qu'aucun des ses secrets ne soit révélé. Je jouais avec ma vie. Sans en éprouver la moindre inquiétude. Non, j'éprouvais de l'inquiétude, mais j'essayais de me la cacher. Nuance.
J'aurais pu, comme les autres, refuser de l'aider, grommeler un vague « je ne sais pas », par méfiance ou par peur de cette femme aux habitudes vestimentaires étranges.
Mais moi, j'avais préféré l'accueillir et lui lancer plutôt un sous-entendu qui ferait que nous pourrions parler d'AutreMonde sans crainte. Au risque qu'elle m'élimine. Par prudence.

Tuer quelqu'un par prudence, voilà quelque chose qui me paraissait bien étrange. Je n'avais jamais tué, et je n'avais pas l'intention de le faire. Mais je savais que de nombreux dangers guettaient sur AutreMonde, et que si un jour j'y vivais -ce que j'envisageais de plus en plus sérieusement depuis que j'avais rencontré Lisa-, il me faudrait peut-être me battre. Je ne savais pas quelles étaient les conditions des Nonsos là-bas, mais je me doutait qu'ils étaient des proies faciles pour ceux désirant s'adonner à la vengeance sur innocents, passe-temps que je conseillais peu.
C'est sûrement dans ces moments-là que les Nonsos d'AutreMonde maudissaient leur absence de magie. Ce qui m'arriverait sûrement si j'habitais sur AutreMonde. Je vais devoir finir par enlever le « si » à cette phrase (à laquelle, je me répète, je pensais de plus en plus souvent) car je sais que je ne pourrais pas être éternellement loin de Lisa.

Je me souvenais de son image dans les moindres détails. Ses yeux d'un noir d'encre, sa taille fine, sa peau blanche comme neige. Tout en elle me faisait rêver. Elle me manquait terriblement. Et je pense que je lui manquais aussi. J'en vins presque à penser qu'elle m'avait envoyé cette elfe pour me faire passer un message ou quelque chose du genre. Non, ce n'était pas possible. L'elfe en question n'aurait pas eu cet air de méfiance quand elle m'aurait vu. Et surtout, je n'aurais pas eu cette impression qu'elle veut me tuer pour x ou y raison. Non, Lisa n'avait rien à voir là-dedans. Même si deux relations avec AutreMonde si proches l'une de l'autre dans le temps étaient assez extraordinaires.

La femme blonde me prit par le bras, me surprenant et m'interrompant dans mes pensées, et commença à me tirer tout en marchant. Je ne parvenais pas à analyser le sentiment qui fleurissait sur son visage. Colère ? Menace ? Je commençais à avoir un mauvais pressentiment pour ma survie, quand elle me dit :

- Ma ville aussi est magique. Elle est entourée de forêt c'est magnifique. Et votre ville en quoi est-elle magique ?

Je décidais de couper court à cette suite sans fin de sous-entendus.

- Inutile de continuer ce petit jeu. Dites-moi plutôt ce que vous faites sur Terre, Elfe de Selenda.

Elle était définitivement démasquée. Je m'étais efforcée, malgré le ton offensif de mes paroles, de les rendre amicales et non menaçantes. Je ne tenais pas spécialement à mourir à 25 ans d'un poignard planté dans un endroit quelconque de mon corps par une elfe susceptible.

... What happened ?


What happened ? Que s'est-il passé ?

Elle est susceptible, celle-là ! Je connaissais la légendaire susceptibilité des elfes, mais à ce point ! Loin de m'énerver, je reste parfaitement calme. Je sais très bien que m'énerver n'arrangera absolument pas la situation. Sans tenir compte du ... "reste", je répondis tranquillement à ses questions.

- Une porte de transfert, oui, il y en a une ici, évidemment.

J'étais sur que je l'avais surprise. Elle s'était certainement imaginée -je ne sais pas, moi- que je m'énerverais et que je tenterais -en vain, évidemment- de lui rendre la pareille. Oui, en vain, quel humain, malgré une force légendaire parmi les siens, pourrait battre une elfe au combat ? Évidemment, il n'était absolument pas dans mes intentions de me battre. Je gardais mon calme, même si malgré tout, au fond de moi, tout ce que je voulais était lui faire ravaler ce qu'elle m'avait fait. Cela viendrait, je serai patient.

Je commençai à marcher, conscient qu'elle me suivait. Ma vengeance viendrait... A ce moment, elle dépendait de moi. (L'elfe, pas la vengeance). Je pouvais me servir de cette dépendance. Sans compter qu'en réalité, je ne me souvenais plus vraiment d'où était cette Porte de Transfert. C'était bien sa veine !

Je marchais au hasard des rues, ne sachant absolument pas où j'allais. Je prononçais parfois des phrases comme "Oui, il me semble que c'est par là" ou "Ce n'est plus très loin". Je savais que je pouvais l'énerver tant que je pouvais, elle ne pourrait rien me faire, elle avait trop besoin de moi pour me blesser gravement, voir me tuer. Mais seulement, si jamais je trouvais cette Porte de Transfert, j'avais l'intuition qu'elle ne partirais pas sans me laisser de séquelles. C'est pourquoi il fallait que je me montre prudent.

Quand je regardais enfin autour de moi, je me rendis compte à quel point je connaissais mal ma ville. Je nous avais perdu. Il ne fallait pas que l'elfe l'apprenne. Elle devait toujours croire que la Porte était simplement très loin. Je savais qu'au bout d'un moment, elle se rendrait compte de l'astuce, les elfes ne sont pas aussi stupides qu'ils sont forts.

Lorsque j'en eus marre de ce petit jeu, je m'assis sur un banc. J'étais toujours très calme, je savais qu'elle ne me ferait rien tant que nous n'aurions pas trouvé cette Porte. Je peux dire que j'avais de la chance.

- Vous avez du comprendre que je ne sais absolument pas où est cette Porte. Et si, en attendant que la mémoire me revienne, vous me parliez un peu de votre si beau pays ?