Bonjour... Puis-je connaître vos compétences ?

Septembre 2016

Shinzô n’aimait guère la date qui était celle du jour présent… C’était ce à quoi il pensait alors que son regard se posait sur son fils de quatre ans endormi non loin… Ce que son amour pouvait lui manquer. Ava aurait pu lui rendre son sourire en quelques paroles, voire même juste avec un regard. Mais là était tout le problème. La femme qu’il aimait ne pouvait plus faire tout cela. Il était dur de ne pas pleurer en pensant à la situation de cette dernière.

Depuis un an maintenant, l’ex-sangrave faisait tout son possible. Il n’était pas le seul d’ailleurs… La chamane qu’il avait kidnappé plusieurs mois auparavant faisait aussi tout ce qui était en son pouvoir. Seulement toutes les solutions conventionnelles venaient à manquer. C’est pourquoi en esprit ouvert, Shinzô avait accepté de ne pas en rester qu’aux découvertes scientifiques, et avait commencé à se tourner vers des sources moins… sûres dirons-nous.

Les mythes et légendes. Beaucoup d’objets de légendes étaient supposés pouvoir guérir quasiment tous les maux, ou encore ramener une personne a un état antérieur. Certains étaient même capables si l’on y croyait de permettre de voyager dans le temps… Pas sans contrepartie ou contrecoup cependant. A force de recherches, le Reikon Rox avait réussi à déterminer le possible emplacement de deux d’entre eux.

Seulement avec cette découverte allait venir à se poser un autre problème. Shinichi. Une recherche allait sans doute lui prendre un certain temps. Peut-être une semaine, voire un peu plus. Il allait falloir trouver une personne pour garder son fils. La seule personne de confiance qui restait à Shinzô était partie en mission, ce qui lui retirait cette possibilité. De plus il fallait quelqu’un d’assez puissant pour résister au cas échéant à une attaque de sangrave.

L’emmener sur Terre pouvait être une solution, après tout, la magie était bien moins forte là-bas. Pour autant, faire appel à la famille Rox n’était pas envisageable. Le père d’Ava avait abandonné la magie bien des années auparavant, et les voir nécessiterait d’expliquer la réalité de la situation… Or le vampyr n’était pas prêt à admettre son incapacité à aider sa femme.

Shinzô souffla… Pourquoi rien ne pouvait-il se passer de manière à l’aider pour une fois ? Agacé et fatigué de l’enfermement, il s’assura que son fils ne se réveillerait pas avant plusieurs heures avant de se rendre sur Terre, dans des lieux plutôt fréquentés par des autremondiens, histoire de voir si l’un d’entre eux ne sortirait pas de l’ordinaire, pour des sortceliers s’entend.

Pour une raison qui t'était inconnue, les sortceliers appréciaient tout particulièrement les pays du Nord. Peut-être était-ce dû à la température - il ne te semblait pourtant pas qu'AutreMonde avait un climat éminemment froid, mais c'est bien pour cela que tu observais les humains et leurs habitudes si singulières. Toujours est-il que l'Islande était un de leurs pays de prédilection, ce qui te permettait d'observer tes sujets d'études dans un habitat non naturel. Cela faisait plusieurs mois que tu avais élu domicile dans une petite ville et t'étais liée d'amitié avec les humains - sortceliers et nonsos - y vivant. Les premiers y avaient construit un bar très particulier, visible uniquement par les personnes possédant des pouvoirs. Les nonsos, quant à eux, ne voyaient qu'un vieux bâtiment en ruines. Par certaines soirées pluvieuses, tu te plaisais à t'y installer, confortablement assis près de la cheminée.

Le bar ressemblait à un joyeux mélange entre un salon familial et un bar tiré des western. A gauche de l'entrée, où tu te trouvais, étaient éparpillés fauteuils, poufs et canapés multicolores, rassemblés autour d'un feu de cheminée, encadré par une gigantesque bibliothèque. Tu t'employais d'ailleurs à lire avec assiduité tous les livres que tu rencontrais. A droite étaient placées des tables et chaises hautes, occupées par des clients au sang chaud. Peut-être était-ce à cause de leurs jeux de cartes peu honnêtes, ou des innombrables breubières qu'il descendaient, toujours est-il que les parties se finissaient souvent en combat. La magie n'étant pas particulièrement puissante ici-bas, les sorts ne fusaient pas comme sur AutreMonde, mais les objets alentours étaient grandement suffisants. Depuis ton arrivée, les dégâts étaient grandement réduits - au soulagement des propriétaires - puisque tu enfermais les belligérants dans une bulle insonorisée dont rien ne sortait, permettant ainsi aux autres clients de profiter de leur soirée sans passer par la case Reparus.

Tout en maintenant la bulle, tu lisais un livre dont le titre t'avait particulièrement intriguée. "Reasons to stay alive". Pourquoi donc un humain aurait-il besoin d'une raison pour rester vivant ? Leur existence même était incroyable, fascinante, tu ne comprenais pas pourquoi elle devait subitement prendre fin.

Plongée dans ta lecture, tu levas à peine la tête lorsqu'un nouveau venu pénétra dans le bar. L'attitude des habitués te renseigna cependant bien vite sur le fait inhabituel de cette présence. Il dégageait de lui une force menaçante. Tu retins un soupir. S'il s'agissait d'un chasseur de semchanachs, tu préférais ne pas le déranger dans sa mission. En revanche, s'il était venu ici dans le but de mettre à mal l'établissement, tu ne comptais pas le laisser faire. Du bout du doigt, tu fis glisser un fauteuil jusqu'à lui, l'invitant à s'asseoir. Il serait sans doute moins impressionnant une fois à la même hauteur que toi.

L’Islande… Un pays relativement froid au niveau des températures, et qui ce jour-là était en prime sous l’effet d’une dépression atmosphérique provoquant une forte pluie et un vent des plus violents. Habillé à la terrienne d’un long trench coat noir couvrant quasiment l’ensemble du corps, Shinzô ressemblait à une personne bien habillée, mais froide d’apparence, luttant pour avancer un pas après l’autre sous la tempête, avec ses longs cheveux devenus noirs sous la magie, et son regard marron quasiment dissimulé par la frange devant ses yeux.

Si des nonsos ne s’étaient pas trouvés également dans le village que le vampyr était en train de traverser, sans doute ce dernier se serait-il protégé avec un peu de magie. Pour autant, il aurait paru étrange que ce dernier soit sec sous un tel déluge. Il marcha donc jusqu’au bar qui était clairement visible pour lui, mais remarqua également les traces qui indiquaient que ce dernier était sous un camouflage pour les humains. Le buveur de sang attendit donc qu’il n’y ait personne avant d’entrer et de refermer la porte.

L’endroit était pour le moins singulier… A la seule manière dont les Autremondiens pouvaient réaliser cela. Peu habitués pour certain de la vie sur Terre, ils ne se basaient que sur des documents indirects, vidéos ou descriptions, et mélangeaient souvent dans un joyeux chaos des choses que l’on ne voyait pour ainsi dire jamais ensemble en tant normal. Ainsi cet aspect de bibliothèque dans un western était purement typique des erreurs que pouvaient commettre ses concitoyens.

Chacun d’eux se retourna lors de son entrée, scrutant cet inconnu qui ouvrait un peu son long manteau afin de pouvoir le poser par la suite et le sécher. En dessous sa tenue se composait d’un pull près du corps bleu, d’un pantalon noir, et de chaussures de ville noire. Le soldat observa par habitude l’ensemble des personnes présentes, remarquant les joueurs de cartes qui étaient dans une bulle, les divers clients qui bavardaient autour de boissons plus ou moins alcoolisées, et une personne qui était en train de lire.

Cette dernière poussa d’ailleurs vers lui un fauteuil, l’air de rien, l’invitant à s’assoir. Shinzô remarqua que cet homme était le responsable du sort présent autour des joueurs de cartes, et qu’il lisait un livre en Anglais sur les humains. Voilà qui était assez surprenant pour être noté. Le vampyr accepta de s’assoir, et se tourna vers le propriétaire du bar, qui venait prendre commande. Par réflexe, il releva l'odeur de l'aubergiste, qui était celle d'un humain, et remarqua celle de son voisin de lecture, un dragon. Qu'est ce qu'un dragon pouvait bien venir faire par ici ?

- Ce sera quoi pour vous ?
- Du Tzinpaf, merci.

Le tenancier repart, et Shinzô après un bref coup d’œil décide de s’emparer d’un livre intitulé « Magic : Legends and Truth ». L’auteur ne lui parlant pas, il s’agissait sans doute d’un humain. Ce serait drôle de voir un peu ce que ces derniers pouvaient penser de cela à cette époque.

S'il fut déconcerté, l'inconnu ne le laissa pas paraître, et s'assit confortablement dans le fauteuil que tu lui avais désigné. Il s'avança même à prendre un livre, et commença à le feuilleter. Tu retins un soupir soulagé. S'il était venu pour attraper quelqu'un, il aurait déjà couru à ses trousses. Et personne dans le bar n'avait fait mine de prendre la fuite. Que des bons points.

Tu baisse légèrement ton livre pour pouvoir le dévisager. Il a un visage austère, peut-être devrais-tu lui apprendre à sourire ? Tu n'es pas certain que le livre qu'il a choisi lui fera travailler sur ce point. « Marini ? Elle a des théories intéressantes, j'ai beaucoup aimé l'étudier. » Conversation banale, juste assez pour voir si sa façade commence à se ramollir. Ton flair te dit qu'il s'agit là d'un vampyr, et cela t'intrigue encore plus. Que diable un vampyr vient-il faire en Islande ? Peut-être est-il attiré par le froid ? Peut-être sa race devrait-elle être ton prochain sujet d'études ? Jusqu'ici tu ne leur avais prêté que peu d'attention, étant donné qu'il s'agit d'un peuple complètement développé et bien plus évolué que les humains. Mais peut-être devrais-tu revoir ton jugement. Enfin, déjà te faut-il percer à jour le mystère de son apparition.

« Vous ne semblez pas chercher querelle. Puis-je vous demander ce qui vous amène ici ? » L'air de rien, tes camarades tendirent l'oreille, tous curieux de cet étranger à l'apparence si froide. Il ne s'agissait pas là d'une question piège, tout du moins pas à tes yeux. Cela dit, tu n'avais pas étudié les us et coutumes des vampyrs. T'étais-tu mal adressé ? Avais-tu omis d'utiliser une formulation respectueuse, ta question était-elle indécente ? Au pire vous devrez régler ça au combat, et cela ne t’enchantait guère. Tu étais très confortablement assis, et surtout, tu avais eu ton lot de combats.

La curiosité… Les humains de la Terre avaient tendance à en dire que c’était un vilain défaut. Le vampyr n’était pas complètement d’accord avec cette idée, surtout en tant que scientifique. Tout dépendait comment l’on utilisait cette curiosité. Shinzô se doutait que son arrivée dans cet endroit allait sans doute poser beaucoup de questions, mais ce n’était pas pour rien qu’il avait décide de faire ses recherches sur Terre. Hormis les personnes qui venaient naturellement de la Terre, rares étaient celles qui décidaient de venir sur cette planète. Avoir moins de magie à portée était une chose que beaucoup des autremondiens n’aimaient guère.

Les clients ne semblaient pas très rassurés de le savoir-là, et même si beaucoup faisaient mine de ne pas s’y intéresser, le Reikon Rox était assez entraîné pour savoir que le rythme plus lent des cartes, et le fait que le niveau sonore des conversations ait changé était indicatif du fait que tous essayaient de comprendre ce que lui pouvait bien faire-là. De son côté, il commença à parcourir l’introduction du livre qu’il avait prit entre les mains.

L’auteur semblait vouloir évoquer le domaine de la magie en lien avec des données historiques, remontant manifestement assez loin dans l’histoire des êtres humains, et des différentes civilisations qui avaient peuplé les pays de cette planète, jusqu’à leur époque moderne. Elle semblait promettre de faire la lumière sur certains phénomènes inexpliqués, et donner ses théories pour une ouverture d’esprit. Le style était assez direct et confiant. Le dragon lui adressa la parole, évoquant l’auteur du livre.

- Je ne connais absolument pas, je ne peux guère vous répondre pour l’instant, j’entame tout juste cet ouvrage. Pour autant, le style d’écriture n’est pas déplaisant, au contraire.

Le barman passa déposer la boisson, et le buveur de sang en prit un peu, appréciant cette boisson simple. Même si cela lui rappelait aussi que la personne qu’il aimait le plus ne pouvait pas en faire autant. La deuxième question de l’être reptilien fut plus directe, justement, et attisa la curiosité alentour, plus encore qu’elle ne l’était précédemment.

- La curiosité. Rares sont ceux des nôtres qui acceptent de vivre sur cette planète, et je me demandais à quoi pouvait ressembler leur quotidien. Cependant, je pourrais vous retourner la question, rares sont les vôtres qui viennent sur Terre.

Mieux valait avancer prudemment dans ce domaine, et ne pas exposer directement la vraie raison de sa venue, même s’il était vrai que lui avait besoin d’observer les gens, afin de savoir laquelle serait la plus adaptée à son objectif.