Je marche dans la nuit. Chacun de mes pas se pose lentement sur la terre humide, tapissée de mousse et de feuilles de la forêt. Silencieux. Je fais partie de la nuit. La nuit fait partie de moi. Nous ne faisons qu'un. Mes yeux rouge sang observent les allentours d'un air froid, nulement affectés par l'obscurité. Ils voient à travers l'ombre aussi bien qu'en plein jour. Mieux même, car le soleil me brule chaque fois que je daigne poser le regard sur lui. Cette boule de lumière capable d'enflammer chaque parcelle de ma peau si je m'expose à ses rayons. J'ai appris, peu à peu, à me déplacer en silence dans la nuit, à apprécier ce calme apparent, cachant mille dangers, mille prédateurs aussi féroces que des loups. Mais moins dangereux que moi. Mon visage s'éclaire d'un sourire sans joie, aussi glacial que de la neige mais infiniment moins doux. Un sourire annonçant une chasse, des morts, du sang. Du sang. J'ai soif. Pas assez pour en devenir à moitié folle et m'empêcher de réfléchir. Ma gorge me brule légèrement, signe que je dois rapidement me nourrir.
Je cours dans la nuit avec l'endurance d'un canidé, ne m'arrêtant que quelqes instant, pour humer l'air. Bien sur, il n'y a personne à cette heure si dans la forêt. J'aurais dû m'en douter. Je ne suis pas fatiguée. Je peux parcourir des kilomètres après une proie sans ressentir la moindre envie de repos. Et il faut dire que cela me sert énormément, la plupart du temps. Car, pendant que mon gibier s'arrête, hors d'haleine, je reste dispo pour un nouveau sprint. Je peux bondir sur son dos, l'immobiliser et le tuer sans faire de pause. Grand avantage.
Je m'arrête soudain, à la limite entre la forêt et la ville. Un bruit. Et la certitude qu'il ne peut s'agir que d'un être humain. Ou un mi-humain. Je fais demi-tour. M'éloignant rapidement de la ville, m'enfonçant dans la forêt. Silencieuse. Rapide. Mortelle. J'arrive bientôt près d'un clairière. Une espèce de métis, humain-chat s'y tient et s'entraine au lancement de couteaux. Bah tiens ! Elle à que ça à faire ! Un animal se tient près d'elle. Il a les yeux dorés. Son familier. Elle est donc relativement plus sorcelière et humaine que je ne le pensais. Tant mieux. Son sang n'en sera que meilleur. Je note dans un coin de mon cerveau qu'elle sait super bien lancer des couteaux. Elle ne rate pas sa cible -un arbre.
Je me cache derrière un buisson, lui même camouflé par d'épaisses fougère. Et observe mon futur repas, comme un prédateur mourant de faim ayant trouvé un quelconque gibier. Elle semble bien connaître la forêt et ne pas avoir peur de la nuit. Ça rendra la chasse plus difficile si elle parvient à s'enfuir. Pas grave. J'y arriverais. Une bourrasque la déconcentre et dévie le tir d'une arme qui vient se figer sous un buisson, près de moi. Je sursaute dans un geste incontrôlé et fait bruisser les fougère devant moi. Elle me repère et s'approche lentement, les oreilles rabattues à l'arrière de son crâne, comme les mrrr quand ils sont méfiants. Elle ne ramasse pas son couteau. Un avantage pour moi.
Que fais-tu là ? Il ne devrait y avoir personne à cette heure-ci dans la forêt.
Nan ? T'es sure ? Pourquoi crois-tu que je suis là sinon ? Bah justement, parce qu'il n'y a que toi dans cette forêt, personne pour t'entendre hurler ou pour te porter secours. Elle a l'air si innocente, si naïve. Il ne me sera pas difficile de la tuer. Je souris et bondis. Je la renverse d'un simple coup d'épaule et la plaquais au sol avant qu'elle n'ait pu esquisser le moindre geste. Puis, me léchant les babines, je m'apprête à entamer sa chair de mes crocs. Avant de m'arrêter net. Son familier manœuvre derrière moi comme s'il cherchait à me piéger. Autant le neutraliser d'abord.