Tout devenait confus. Il n'y avait plus de nuit, plus de jour. Il n'y avait plus de matin, plus de soir. Plus de sommeil, non plus. La jeune vampyr ne dormait pas. Elle n'y arrivait plus. Manque de fatigue. Elle ne faisait rien de ses journées. Elle se sentait mal à l'aise. Elle avait l'impression d'étouffer. Il n'y avait plus que les murs de l'appartement, ses meubles, ses rideaux. Pas les fenêtres, non, pas les fenêtres. On ne devait pas la voir. On ne devait pas savoir qu'elle était là. Et puis, elle ne devait surtout pas voir le soleil. Surtout pas. Cela la tuerait.
Et la nuit, le moment de vie de son peuple, lui était interdite. La lune l'appelait, les étoiles l'attiraient, les ténèbres l'invitaient, mais on ne devait pas la voir. On ne devait pas savoir qu'elle était là. Cela la tuerait.
Parfois, la tentation était trop forte, et son oncle devait l'empêcher de sortir. Elle devenait violente et dangereuse. Elle était plus forte que lui, mais il savait mieux se battre et se servir de la magie.
Heureusement.
Ténèbres devenait plus agressif, influencé par sa soeur d'âme. Il pouvait sortir, lui, mais le lien qui l'unissait à la buveuse de sang humain l'empêchait d'aller trop loin.
Ils se sentaient tous les deux piégés. Mais ils ne pouvaient pas partir. Ils devaient trop à Seow Nevarra. Ils les avaient accueillis chez lui, alors qu'ils étaient en fuite. Elle y vivait cachée cependant, comme une pouic craignant son prédateur le mrrr, seul animal capable de l'attraper, qui s'avérait être les brigades noires.
Sombres pensées. Energie négative. Agressivité. Peur. Stress. Malaise. Ténèbres était rentré et avait rétabli la communication. Curieusement, il coupait le lien (enfin, le réduisait au maximum) lorsqu'il sortait, comme s'il ne voulait pas que sa soeur d'âme perçoive ce qu'il faisait. Cependant, Aarici'a s'en fichait complètement. Elle ne voulait pas entendre parler de l'extérieur. Cela la confortait encore plus dans son impression d'être un oiseau en cage.
Cependant, cette fois, Ténèbres vint se planter devant elle et la regarda droit dans les yeux en plongeant son regard rouge sang dans ceux, plus pâles, de sa soeur d'âme. Il se tenait assis bien droit devant elle, la queue posée sur ses pattes avant, calme, et semblait attendre quelque chose d'elle.
« Qu'est-ce que tu veux ? » fit la vampyr d'un ton agressif.
Bien sûr, il n'allait pas lui répondre, ils ne communiquaient que par images, sentiments et émotions. Ce fut donc avec étonnement qu'elle entendit pour la seconde fois de sa vie la voix de son familier, la première étant lors de leur rencontre, lorsque le chat noir lui avait appris son nom :
« Je veux te voir vivre. Sors. Cours. Mange. Tue. Vis. »Sa voix à l'accent étrange et unique, un peu bestial et sombre, fut accompagnée d'une série d'images, certaines claires, d'autres floues, comme s'il s'agissait de souvenirs plus ou moins lointains.
Elle vit d'abord la porte de l'appartement de son oncle. Une porte normale de bois vert, tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. Mais pour la vampyr restée enfermée tout ce temps (elle ne savait plus s'il s'agissait de jours, de semaines, de mois, ou d'années), cette porte avait une bien autre signification : il s'agissait de la muraille la séparant de l'extérieur, infranchissable (de par le sort que son oncle, prudent, avait jeté sur ladite porte).
Elle observa ensuite, une scène surgie de la mémoire de son familier : son oncle qui lançait un sort sur la porte pour sortir. Elle entendit le mot de passe qu'il utilisait pour que celle-ci s'ouvre, afin d'éviter d'enlever puis de remettre son sort à chaque fois. Il avait bien entendu pris soin de lancer un opacus avant de le dévoiler, car il savait aussi bien qu'elle qu'elle était capable d'entendre le moindre murmure produit dans l'habitat. Mais c'était sans compter Ténèbres qui s'était glissé discrètement près de Seow avant que celui-ci ne lance son opacus.
Fusèrent ensuite à une vitesse folle des images tirés des souvenirs d'Aarici'a : la rue où habitait Seow, la porte de transfert et... le château du Lancovit, ses murs pleins d'illusions qui faisaient peur aux gens, le dortoir où elle habitait à l'époque où elle était Première Sortcelière, la salle où elle s'entrainait à la magie avec Sieur Kento, son défunt maître qu'elle aimait beaucoup, les rues de Travia avec leurs marchands qui promettaient nombre de produits magiques qui marchaient plus ou moins...
La tête lui tournait, encore pleine de tous ces souvenirs qu'elle avait voulu oublier, les enfouissant loin dans sa mémoire. Les images de Sieur Kento la hantaient, en particulier celles de son assassinat. Puis elle se souvint du but qu'elle s'était fixé : retrouver son meurtrier... et le tuer à son tour. Elle se délecterait de son sang en se disant que chaque gorgée était une partie de l'honneur de son maître vengé. Elle ne se souvenait pas avoir abandonné sa quête, ni du moment où elle l'avait oubliée.
Mais ce qu'elle voulait à présent, c'était la continuer.
« Merci. »Elle se souvient. Elle avait acheté son premier sabre dans ce magasin d'arme. D'ailleurs ledit sabre était....... elle ne savait plus. Il avait disparu. Quoi qu'il en soit, il lui en fallait un nouveau. Un neuf, affuté, aussi tranchant que ses griffes. Elle ne pouvait pas que compter sur celles-ci, ses crocs et sa puissance pour se battre. Il lui fallait une vraie arme, mais aussi, il fallait qu'elle sache s'en servir. Elle devait trouver quelqu'un qui lui apprendrait.
Elle entra et se dirigea immédiatement vers les katanas. Elle aimait ces fines lames simples à transporter et facile à manier parce que légères. Elle aimait s'imaginer qu'il s'agissait d'un prolongement de son bras, une griffe encore plus longue que les autres (qui pouvaient déjà beaucoup s'allonger). Elle en repéra un à son goût, au fourreau noir parsemé de discrets symboles rouge sombre, qu'elle soupesa. Il lui semblait parfaitement adapté à sa taille, et était assez légers, ce qui lui permettrait de l'associer à la rapidité que lui procurait son statut de buveuse de sang humain.
Elle voulu se diriger vers la salle d'entrainement afin de le tester mais son trajet fut interrompu par l'arrivée de pleins de gens en noir armés de broyettes et de lames plus bizarres les unes que les autres.
« TOUT LE MONDE A TERRE ! ON LACHE SES ARMES ! MAINS DERRIERE LA TETE ! »Surprise, elle obtempéra sans réfléchir et posa le katana à côté d'elle. La vampyr grimaça en voyant l'un d'eux l'attraper et le jeter sans ménagement dans un grand sac. Elle ne voyait pas vraiment l'utilité, étant donné toutes les armes autour d'elle qu'elle pouvait attraper sans même que l'un d'eux ne s'en rende compte. Mais ce qui l'énervait était le traitement infligé à ce sabre splendide. Une arme si parfaite aussi mal traitée. Une envie de meurtre commença à l'envahir, comme lorsqu'elle pensait à l'assassin de son maître. Elle pensa également à toutes les proies qui lui avaient offert le plaisir de tuer. En parlant de proie, elle n'avait pas pris de petit déjeuner aujourd'hui et guettait le bon moment pour se jeter à la gorge de la première cagoule venue.