[Ewlan] La folie des glandeurs

Every blond needs a brown(ie)

Le soleil brillait doucement sur la capitale endormie, laissant vagabonder ses rayons à sa guise. Tandis qu’ils se promenaient dans la ville, ils butèrent sur un homme, la quarantaine, qui fumait une cigarette, le regard perdu dans le vide. Un peu frustrés de se laisser arrêter ainsi, ils se dirigèrent vers ses yeux, ce à quoi l’homme réagit vivement en rabattant d’épaisses lunettes noires sur son visage. Constatant qu’ils ne pouvaient rien faire d’autre, ils décidèrent de jouer dans ses cheveux bruns, les laissant se colorer de châtain et de caramel. Cependant, ils se lassèrent rapidement, et tels des enfants, repartirent à vive allure dans les rues étroites qui sillonnaient la cité.

Alexandre releva la tête. Il était bien trop en avance pour ses cours, mais c’était mieux ainsi. Il avait eu l’impression d’étouffer dans sa villa, et même les cookies n’y avaient rien fait. C’est donc suffoquant qu’il s’était engagé dans la porte de transfert pour s’échouer à Travia, sachant qu’il n’y trouverait que du calme et des grands espaces – vides. Omois était bien trop peuplée, et ce à n’importe quelle heure. Et puis, ici, il avait une chance de recroiser ses blondinets, non ? Anyway, il devait bouger. Son passé d’agent lui avait laissé des séquelles hyperactives. Toujours rester en mouvement. Le meilleur moyen de rester en vie, no matter what. Peut-être y avait-il une exception à la règle, mais elle n’était pas lui.

La tête penchée vers le sol, il se mit à déambuler dans les ruelles vaguement éclairées de la capitale, sans croiser âme qui vive. Cela ne le dérangeait pas. Au moins pouvait-il entendre les milliers de sons fantasmagoriques qui l’entouraient. Des respirations ténues, quelques bruits de pas saccadés, à une ou deux rues peut-être. Des crissements, acier tranchant, le chant du vent qui s’engouffrait dans son manteau, les graviers qui roulaient sous ses bottes, les toitures humides de rosée qui perlait sur ses cheveux. Et pis les odeurs. Le tabac, dans la poche de son jean, l’eau, présente, envoûtante, à chaque pâté de maison, la pâte à pain de la boulangerie, le cuivre et les métaux, la pierre qui se réchauffe doucement. Un amalgame de sensations, de sentiments.

Il arriva face à une place, où trônait au centre une fontaine. Il sourit. Cela devait faire des années qu’il n’en avait pas vu. En général, elles séjournaient dans les jardins publics, imposantes et lumineuses. Rafraîchissantes. Il se souvenait y avoir joué étant gamin, d’y avoir emmené ses filles également. Le jet d’eau irisé ravivait en lui des réminiscences qu’il croyait avoir perdues à jamais, des émotions profondément ancrées à son passé se mélangèrent au flot continu qui bouleversait son cœur, créant une mécanique étrange et insondable, aussi mystérieuse qu’indéfinissable. Emu, il glissa sa main sous le jet froid, goûtant au plaisir simple des jours anciens, où tout était beau et magique.

Et pour le coup, il y était, dans un endroit magique ! Pas très féérique, m’enfin c’était déjà ça. Il s’étonna d’ailleurs que la couleur de la fontaine soit aussi banale, sachant que la reine Titania se plaisait à modeler celle du ciel selon ses envies. Il s’assit sur le rebord marbré, perplexe. Peut-être ne se souciait-elle pas des petites choses, ce en quoi elle avait tort, car ce sont elles qui marquent le plus. Peu soucieux de se torturer l’esprit pour une question inutile, il renversa sa tête en arrière, sentant avec délice l’eau tremper ses cheveux, glisser dans sa nuque, sous son manteau, collant sa chemise à sa peau basanée, finalement arrêtée au milieu de sa course par une broutille. Le liquide frais le raviva, et il se surpris à rire, sans vraiment comprendre pourquoi.

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La folie des glandeurs

Minute. Il avait vu quelqu’un. Enfin, il l’avait senti plus qu’il ne l’avait vu, étant donné que fermer les yeux n’aide pas particulièrement à repérer une quelconque présence. Cependant, le bruit constant de la fontaine le gênait en l’instant présent. Son environnement se retournait contre lui. Il grimaça. Ses vieux réflexes s’étaient automatiquement remis en route. Ne pas rester immobile, fuir les nuisances sonores et visuelles, repérer l’ennemi, l’abattre ? Que nenni, il n’était plus un agent, mais bel et bien un humble et honnête professeur à l’Académie ! Il passa sa main dans ses cheveux, prenant cet instant de fausse décontraction pour jauger la situation.

Il lui semblait avoir entendu quelque chose juste avant, une phrase courte, pas très positive et visiblement prononcée d’une voix lasse. Restait à trouver le propriétaire. Il fouilla rapidement les environs des yeux, repérant chaque cachette possible et envisageable d’après le type de voix qui était parvenue à ses oreilles. Masculine, un peu rauque. Elle sonnait étrangement familière, mais le son de l’onde ne lui permettait pas d’en savoir plus. Bien. Il était temps de bouger. L’homme devait être grand, au moins 1m70, donc peu apte à se contorsionner, ou du moins peu enclin vu sa fatigue apparente. Quelque chose de grand…

Ses yeux se posèrent sur le mur qui lui faisait face. Non, quand même pas ? Ce serait donc si facile ? Il se déplaça à pas de loups, guettant chaque bruit avec une vivacité accrue. Il repéra bien vite un souffle, très léger, de l’autre côté des briques. Ah ben si, l’homme était donc stupide. Tout du moins, s’il espérait ne pas se faire repérer, ou bien le piéger. Alexandre se retint de soupirer et d’un bond, se percha sur le muret, la tête penchée vers un jeune blond. « Bouh. » Il se laissa glisser à ses côtés, atterrissant en souplesse, accroupi. Le dévisagea. Ah ben oui, il le connaissait. Cette fois-ci, il se laissa aller à un long soupir, s’adossant aux pierres. Merde quoi, c’était son élève ! Ewlan non ? Un p’tit blond – il avait un trip avec les blonds, allez savoir pourquoi – qui draguait comme il bougeait, pas hyper assidu en cours, m’enfin il était sympathique.

Il lui donna une petite tape sur la tête. « On joue à cache-cache ? » Histoire qu’il apprenne à se planquer un peu mieux que ça. Même si c’est dans l’urgence, it doesn’t matter. Toujours être en mouvement, c’est bien beau, mais parfois il faut savoir se cacher, et bien, au moins pour quelques instants. N’empêche, il était pas censé avoir cours avec lui ? Genre, là maintenant tout de suite ? Enfin dans une heure ou deux vu qu’il était en avance, mais au moins pourrait-il être dispensé de ce premier cours s’il réussissait ce petit jeu. Ou alors il l’emmenerait de force, il ne savait pas encore. Il pourrait servir d’exemple à ses petits camarades, hmm ? « Oh, well, je ne te savais pas matinal, mais pour le coup c’est pratique. »

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