( Sveltana et Sofiar) Jumelles ennemies

Sveltana Darr'en
entrer dans une taverne avec des elfes et des nains = grosse baston

Le froid, détestable, nocif, brulant. Meurtrier. A peine protégée par une tenue fine et collante, j'avance dans la neige. Les minuscules flocons si doux mais en même temps, il est presque douloureux de sentir leur présence glaciale contre ma joue. Mes bottes sont trempées à l'intérieur, mais je n'ai pas le courage de sortir mes mains de mes poches pour les sécher de ma magie. D'ailleurs, il est même pas sur que j'y arrive, vu la puissance de mes sorts et mon incapacité à retenir une seule formule. Bien sur, ça pourrait être utile, pour s'évader après un meurtre par exemple, mais je déteste tout ce qui touche à ces particules de lumière incontrôlables. Beurk. En plus, si je me loupe, ce qui arrive deux fois sur trois, je risque de me retrouver encore plus mouillée, avec mes mains gelée parce que je les aurait sortie pour rien. Bref, je renonce.

D'autres personnes, éparses silhouettes indistinctes dans le brouillard me croisent, m'observent parfois un instant frissonner, avant de replonger leur menton dans le col de leur manteau de laine. Brrr, mais qu'est-ce-qu'il fait froid, quand même ! Qu'est-ce-que c'est que ce pays ? J'aimerais pas vivre ici. Vivent les pays terrestres tropicaux ! De toute façon, je retourne sur Terre dès que possible alors je vais prendre mon mal en patience, me nourrir le plus vite possible, et retourner dormir sous la couette de ma chambre d'hôtel. Allez, courage !

En plissant les yeux, j'aperçois les lueurs d'une auberge. C'est une petit maison, en pierre grossièrement taillées, mais dont l'intérieur semble bien chauffé et d'où je perçois des rires et des brides de conversations. Avec un peu de chance, il y aurait un elfe bourré près à la suivre et à se faire occasionnellement bouffé. Comme ça, la question du repas serait réglée. Je rentre. Aussitôt, une bouffée de chaleur me réchauffe et me permet de sentir à nouveau mes doigts endoloris. Bien. L'auberge semble plus ressembler à une taverne qu'autre chose, mais bon. Des tables rondes de bois sont disposées dans toute la salle. Des nains -espèce locale-, des humains et des elfes se mêlent. Un bar un peu sale couvre le mur du fond. La pièce est bien éclairée, chauffée et il y a de bonnes proies. C'est l'essentiel.

Je m'approche d'une table où un groupe de nains discutent entre eux. Une naine à leurs cotés ne prend pas part à leur débat. J'en déduis qu'ils ne sont pas venus ensembles. Peu importe. Je prends place et m'assois lourdement sur une chaise, à coté de la femme qui semble perdue dans ses réflexions et qui fixe la porte de la taverne d'un œil vide. Elle tient dans sa main un verre d'alcool. Vodka, vu l'odeur. Bon, espérons que personne n'aura l'idée suicidaire de m'interpeler avant que j'ai fini de me réchauffer. Je ferme les yeux en poussant un soupir de soulagement.

Au même instant, deux elfes entrent dans l'auberge, riant et parlant d'une voix forte de telle façon que tout le monde se retourne à leur arrivée. Saouls, à tous les coups. Et bien sur, il y a deux places entre moi et la naine et ce sont celles sur lesquelles ils s'asseyent. Leurs gestes sont désordonnés et ils interpellent tout de suite l'aubergiste pour qu'il leur donne « A boire, a boire ! ». Ils pourraient pas se taire, un peu ? Non ? Eh bien je vais m'assurer qu'ils ne soient plus de ce monde avant le début de la matinée. L'un d'entre eux, du moins.

La naine semblait aussi dégoutée que moi. Sauf que elle, elle souriait. Drôle de façon d'exprimer son dégout. Ah, oui, c'est vrai, les nains aiment les bagarres. Et avec ces deux imbéciles bourrés, il y avait près de 95% de chances qu'une bonne baston vienne mettre du piment à cette nuit monotone. Je souris aussi. Peut être que je pourrais m'occuper de la naine, après les elfes. J'ai jamais gouté le sang des nains, il serait peut être temps de s'y mettre.

Sveltana Darr'en

Perdue dans mes pensées, je fais le tour de la salle des yeux. Il y a essentiellement des elfes. Mais aussi une tables d'humains et deux-trois nains, en plus de ceux qui sont à coté de moi. Et un être non-identifié dont la cape cache chaque parcelle de son corps. Il y a aussi un nombre relatif de familiers. Ce qui veux dire que la plupart des humains ici présent sont sorceliers. Eh slurk. Je me reprends : pas grave. Ça va quand même pas me gâcher ma soirée ! De plus, la bagarre fortement prévisible risque d'être autant plus magistrale.

La naine se mit soudain à rire. Un nain qui rit . J'ai jamais vu ça auparavant -faut dire que j'ai pas souvent l'occasion de côtoyer des personnes vivantes et surement pas ces espèces de minimoys couverts de poils. C'est un spectacle assez... ahurissant. Bref. Quand elle a finit, elle croise mon regard. Il y a quelque chose de compréhensif dans ses yeux qui me gêne. Vachement bizarre de se sentir compris par l'espèce la plus éloignée de la sienne. Surtout que les nains n'ont pas vraiment l'habitude de faire ami ami avec des vampyrs encore moins buveurs de sang humain.

J'attends avec patience qu'une bagarre se déclenche. Longtemps. Encore plus long me parut le temps avec le bruit qui me massacrait les tympans. La naine aura pas intérêt à chanter pendant la baston parce que sinon je crois que je vais criser. Étant donné que je tue avec délice dans mon état normal, je laisse imaginer quand je suis en état de crise du genre incontrôlable.

Un des elfes semble soudain remarquer la naine. Oh oh, la voilà ma bagarre. Wouhhhh il en a mit du temps mais ça va bientôt arriver. Et ça ne rate pas :

Ben dis donc, y'en a, y z'ont pas b'soin de boire pour avoir une sale gueule !

Wouhouh ! Lui, il avait vraiment plus envie de vivre parce que comme technique de suicide il y a pas mieux. Je pousse un petit sifflement approbatif inaudible à cause du bruit pendant que la naine hurle en se jetant sur l'imbécile qui a souillé son honneur. Ses yeux sont soudain emplis d'une joie sadique que je connais bien. Elle frappe l'elfe avec force et la table en bois sur laquelle ils sont en prend un coup. Les verres aussi d'ailleurs. Ainsi que les assiettes et leur contenu qui apprennent soudain à voler.

Je regarde béatement ce désordre éclatant. Puis un couteau manque de m'atteindre et je sors de ma rêverie pour me jeter sur un humain qui a apparemment trop bu et qui s'amuse à jeter tous les objets qui lui tombent sous la main avec fureur, d'où le vol du couteau à mes cotés. Il est tellement absorbé dans son jeu incroyablement puéril qu'il ne me voit même pas. Un coup de crocs dans la gorge et s'en est fini de lui. C'était juste un avant-gout, histoire de reprendre des forces.

J'abandonne son corps sur le sol dans une marre de sang qui me semble être le sien. Et un crétin de moins. Voyons voir ce qu'il reste des deux elfes qui m'ont massacré les oreilles. La naine semble encore occupée avec le plus grand parce que je ne voie ni l'un ni l'autre. Je me contenterais de l'autre. Il est d'ailleurs aux prises avec un nain particulièrement agressif. Eh ! Mais c'est ma proie ! Dégage !

Je me rue sur l'elfe, l'arrachant du champ de tir du nain et m'apprête à lui faire passer le goût de crier. Sauf que les nains, tous en cœur, commencent à chanter. Aïe ! Ouh mon Dieu mes oreilles. Je me sauve, sautant par une fenêtre -fermée- avec l'elfe. Il fait plus froid ici mais au moins je ne risque pas d'être sourde.

L'elfe est encore capable de se défendre, malgré la tonne d'alcool qu'il a absorbé. Tant mieux. C'est quand même plus intéressant. Et il a un couteau. Comme ça, c'est équitable.

Sveltana Darr'en
« User de la ruse, c'est reconnaître des limites à sa puissance. » Louis Scutenaire

Le brouillard opaque a obscurcit la rue. Il m'est impossible de voir l'elfe avec autant de précision que je le voudrais et ce détail me met en échec. Je ne peux pas lire dans les yeux de mon adversaire où compte-t-il frapper et c'est... gênant. Très gênant. Assez pour me donner l'impression que cette bataille, je la finirai dans un fossé, les tripes à l'air. Bref, passons les détails.

La brume pourrait m'être utile. Il faut user de ruse et de technique pour battre un ennemi plus fort et surtout plus rapide. Je me baisse avec souplesse et fais tâter ses jambes de la lame très aiguisée par mes soins de mon couteau. Il pousse un cri. Touché, et assez fort étant donné que maintenant, il boite. C'est déjà ça de pris. Un éclair vif et je ressens une grande douleur à la joue. Par réflexe, je la touche pour déduire d 'un contact la gravité de la blessure. Hein hein. Loupé. Il en profite pour me donner un coup dans la hanche. Je recule dans un son étouffé.

Il est plus fort. Et plus rapide encore. Slurk. Je sais pas pourquoi mais je sens que je vais perdre. J'ai mal à la hanche et lui, il est presque intact. Je déteste être en mauvaise position. D'habitude, c'est mon adversaire à la place du perdant -à ma place en cet instant. C'est moi qui abuse de ma force sur le plus faible. C'est moi qui ressens cette joie démoniaque, ce désir, cette impression d'être puissante, d'être invincible. J'ai soudain la vision de ce que je fais subir à mes proies. Et je déteste ça.

J'ai peur. Peur de ce que pourrais me faire subir l'elfe mais surtout peur de ne pas être aussi forte que ce que j'ai toujours pensé. Ce sentiment d'avoir à se remettre en question... Il me le fera payer. Je gronde et la folie s'empare de moi. Il faut que je me venge. Pour ces quelques secondes d'indécision, d'horreur à l'état pur. Avec un cri dément, je bondis sur mon ennemi et lui mord la gorge de toute mes forces. J'aspire les goulées de sang dont j'ai besoin pour vivre, apaisée, repue. Et je sais que je suis invincible. Parce que je suis buveuse de sang humain.

Avec un râle, je laisse tomber le corps sans vie à terre. Je souffle lentement. Un bruit, une porte qui s'ouvre. Les elfes rappliquent. Le besoin de venger leurs amis tués par mes soins est inscrit dans leur regard assoiffé de mort. De ma mort. Parce que j'ai tué l'un des leurs. Et peut être de celle de la naine, que je vois soudain apparaître à mes cotés sans son adversaire.

Les elfes, sveltes, grands, agiles. Parfais pour le combat. Trop même. A croire qu'ils avaient été conçus pour combattre, comme chaque vampyr buveur de sang humain est transformé pour boire. Ils étaient trois. Trois machines à tuer contre nous deux. Nous, moi et la naine. Obligées de faire équipe pour avoir une chance de survie... Grrr.

Une lumière jaune éclaira un instant la rue révélant de grands murs sombres. Nous étions enfait dans une cour. Seule possible échappatoire : l'auberge. Slurk. Pour parvenir à s'enfuir par là, il faudrait une vraie attaque surprise. Quelque chose qui puisse me permettre de passer par là sans attirer l'attention.

La naine s'approche furtivement de moi. Elle ne peut pas me tuer sans signer son arrêt de mort? Je suis donc tranquille de ce coté. M'enfin, c'était pas vraiment LA menace.

C'est quoi ta méthode préféré de combat ? Histoire qu'on ait un avantage...

Un avantage... Là, j'ai vraiment du mal à trouver quelque chose. J'ai pas de technique de combat préférée à part la fuite, dans ces moments là. Et euh ? La surprise ? Ouai, ça pourrait le faire, histoire que la naine se jète dans la mêlée, casse les oreilles de elfes -et les miennes- en se mettant à chanter pour que je puisse quitter le plus normalement du monde la petite cour très sympathique. Ouai, la surprise, ça pourrait le faire. Mais encore faut-il que ma coéquipière du moment se prête au jeu... Bon, étant donné que j'ai pas d'autres plans, on va tester ça.

La surprise, je souffle à l'oreille de la naine.

Et je m'élance vers le premier elfe, passant avec aisance dans son dos pour lui entailler le dos. Un éraflure sanglante apparaît, de ses omoplates à ses hanche. Ha ! Touché. Je n'ai pas le temps de vérifier que la naine a attaqué avec moi que je dois battre en retraite pour éviter un jet de magie provenant de l'elfe.

Sveltana Darr'en
« La vengeance est plus douce que le miel. » Homère

Je recule dans l'ombre, observant le combat un instant. Comme je l'ai prévu, la naine s'est jointe à la baston et a déjà tranché la tête d'un elfe d'un coup de hache bien placé. Elle s'arrête quelques secondes pour m'observe plongeant son regard vert dans le mien, rouge sang. Je constate avec plaisir qu'il y a un peu de jalousie dans l'éclat de ses yeux. Ha ! Évidemment, je suis quand même plus grande tueuse qu'elle et beaucoup plus impressionnante !

Bon, c'est pas tout ça, mais l'elfe il est encore en vie et je ne tiens pas à ce qu'il venge ses pauvres camarades assassinés sur moi. Donc, je vais y aller, hein ! Pour que tu finisse ta tache de pauvresse-qui-se-croit-meilleure-que-moi. Je m'apprête à fausser compagnie à ces deux charmantes personnes. Je tourne le dos et fait un pas silencieux vers la sortie.

Sauf que la saleté d'espèce de lutin miniature insupportable avec des poils dans les oreilles et une barbe dégueulasse en a décidé autrement. Rahhh, saleté ! Elle me saute dessus et me plaque au sol. Dans la boue mêlée de sang -ce qui, d'ailleurs, donne au sol une couleur vraiment bizarre. Beurk. Je ne me défend pas. Parce que, c'est pas que je suis lâche ou faible mais sa hache est vraiment très très aiguisée. Et elle est un peu trop près de mon cou à mon goût.

Je louche sur la lame, un air sarcastique sur le visage. Bah tiens, elle croit que je vais la vénérer aussi ? Sous prétexte qu'elle est en position de force ? Plutôt crever ! M'enfin toujours est-il qu'au fond de moi je n'en mène pas large. Parce que cette bombe vivante a l'air aussi folle que moi lorsque j'ai soif mais pour elle, c'est naturel. Je veux bien croire que je peux devenir incontrôlable mais je peux toujours reprendre mes esprits. Elle... Il faudra vraiment que je fasse attention aux personnes que je choisirai comme alliées la prochaine fois.

Je cherche avec désespoir une échappatoire. Parce que je sais vraiment pas ce qu'elle me veut. Et c'est dur à admettre mais je ne suis absolument pas en position de négocier. Slurk. Jamais je ne me suis autant fourrée dans de la bouse de traduc. C'est vraiment grave. Et il n'y a aucun moyen de s'échapper. Alors, soit elle me trucide et des milliers de gens la glorifieront, soit elle me donne un simple avertissement avant de me libérer et je n'ai plus qu'à détaler vite fait. Il y a aussi la possibilité qu'elle me remercie chaleureusement mais bizarrement j'y crois pas trop. Pas du tout, même.

Je commence à désespérer quand elle prend enfin la parole. Déjà, elle ne me tue par sur le coup ce qui est un grand pas vers la vie. Bon, son timbre signifie clairement qu'elle ne cherche pas à me faire des amitiés.

Ecoute-moi bien, la BSH. Je ne me suis allié avec toi que pour me sauver la mise mais saches que la tueuse n°1 D'Autremonde, c'est moi, ce n'est pas toi. Alors tu vas me faire le plaisir de ne plus jamais, tu m'entends, jamais, me piquer une de mes victimes. Sinon tu vas faire connaissance avec ma hache, est-ce que c'est bien clair ?

Bon, là, j'ai vraiment envie de lui répondre un truc du genre : « Ouais, c'est ça, et tu serais morte si je n'avais pas été là ! En plus, t'es même pas connue, à Omois alors tueuse n°1, hurm... J'en doute fort » ! Sauf que, je ne le fais pas. Parce que, déjà, ce serai un mensonge par omniscient car, sans elle, je serai morte aussi. Ensuite, parce que je ne sais même pas si elle est connue ou pas d'Omois, et que je suis bien placée pour savoir que ce n'est pas une référence vu la qualité de l'armée et des services de renseignements secrets. Enfin, parce que je ne suis pas suicidaire.

Donc je me contente de hocher la tête avec soumission, criant vengeance intérieurement. Mais elle me le fera payer... Plus tard, lorsque je ne serais plus menacée par une hache qui fait la taille de mon buste. Lorsque la naine aura bu, lorsqu'elle ne sera pas bien, ou tout simplement lorsqu'elle regardera ailleurs. Je serai là. Je ne la raterai pas. Un sentiment d'apaisement embaume ma honte.

Je détourne les yeux du regard vert de la naine... Et je me rend compte que l'elfe s'était approché, un couteau à la main. Un instant, je le regarde s'avancer avec délice. A coup sur, il va la tuer avant moi. Ce serait logique, elle est plus près. Sauf que j'ai oublié un petit détail. Dans la position où elle elle est, elle risque de me tomber dessus si elle meurt. Et comment je ferais pour m'échapper, moi ? Alors je crie :

Attention !