En attendant le maître... [ libre ]

Connor marchait dans les couloirs de la forteresse grise où vivaient tous les Sangraves au service du plus puissant d’entre eux, Magister. Bien que cela ne se voyait pas, il était inquiet. Très inquiet même. Alors qu’il s’était endormi dans sa chambre, Sophia en avait profité pour filer sans rien dire et connaissant sa petite sœur sur le bout des doigts, il était persuadé qu’elle ne faisait rien qui soit de son âge. Les gens s’écartaient sur son passage. Finir en steak haché ne leur plaisait pas trop. Surtout si le jeune homme n’était pas d’humeur.

*Bon sang, Sophia ! Où es-tu ?*

Il la chercha pendant des heures sans la trouver. Cette gamine pouvait être un vrai démon quand elle s’y mettait, et ce n’était pas pour plaire à son frère fou d’angoisse. Jamais elle ne s’était autant éloignée et imaginer qu’on lui ait donné une mission sans lui, faisait bouillir son sang de rage. Il n’y avait plus qu’un seul endroit où il n’avait pas cherché. Du côté des chambres de Magister et de leur maîtresse Snow.

*Elle n’aurait quand même pas…*

Pourquoi pas ? Après tout, Sophia était une enfant qui n’avait peur de rien, même du Sangrave le plus puissant qui existe. Que c’était frustrant. Elle n’avait que dix ans et pourtant, Connor sentait bien qu’elle éprouvait une profonde affection pour Magister. Savoir qu’elle lui prêtait plus d’attention le mettait dans une colère noire. Mais il ne pouvait pas non plus ignorer ses propres sentiments envers…

-Ah ! Te voilà toi ! dit-il dans un souffle presque inaudible.

Sophia, que tout le monde connaissait plutôt sous le nom de Sphinx, était assise devant la porte de la chambre de Magister, en train de coudre une nouvelle poupée de chiffon. En y regardant de plus près, il put reconnaître l’Impératrice d’Omois. Une parfaite réplique. La haïssait-elle dont à ce point ? Le massacre qu’avait subit leur clan était gravé dans leur mémoire. Les derniers survivants de tueurs à gage avait été sauvés in extremis par leur maître et depuis, ils lui avait juré fidélité. Mais c’était plus à sa fille qu’ils avait prêté allégeance.

La fillette lui lança un regard de défi puis lui sourit gentiment. Elle posa la poupée entre ses jambes puis caressa ses longs cheveux bruns attachés en couettes par de beaux rubans noirs. Elle attendait comme un chien à la porte de son maître, fidèle. On ne lui avait toujours pas donné de mission et aucun de ses stupides Sangraves ne l’intéressaient pour ses expériences. Ils étaient tous là, à réfléchir au meilleur moyen de devenir plus fort, plus riche, de prendre le pouvoir à ses abrutis d’Omoisiens. Ridicule.

Connor s’installa à côté d’elle, les jambes pliés devant lui, les bras posés sur ses genoux. Aucun d’eux n’avait voulu porter le masque des Sangraves car ils étaient fiers d’en faire partie et de toute façon, la milice d’Autremonde les connaissait bien…ou du moins, leur clan. Même s’il avait disparu. Un sourire bien triste fendit les lèvres du jeune homme alors qu’il regardait sa petite sœur muette attendre patiemment son maître.

*Il va nous faire poiroter combien de temps ? J’espère que Maîtresse Snow a quelque chose à nous confier, j’en peux plus de cette attente interminable. Peut-être me laissera t-elle l’aider à torturer quelqu’un. Un bon petit garde. Ou encore mieux…ces stupides dragons.*

Soudain, des bruits de pas le sortirent de ses pensées. Tous deux relevèrent la tête et dans un ensemble parfait, se levèrent. Un sourire des plus magnifique illumina le visage déjà rayonnant de Sophia, alors Connor se contentait d’incliner la tête en signe de salut.

Cela faisait plusieurs mois que Shinzô faisait dorénavant partie des sangraves. Depuis ce temps là, il avait apprit une nouvelle manière de combattre, différente des méthodes d'assassinats qu'il utilisait jadis pour l'élimination des anciens BSH récalcitrants à se faire capturer. Bien sûr, personne n'en parlait à l'époque, de cette méthode. Pour tout le monde officiellement ils étaient capturés, et enfermés jusqu'à dépérir par manque de sang. Mais lorsque la capture semblait impossible, on l'envoyait généralement seul à l'assaut de l'ennemi, et il se chargeait de le réduire au silence définitivement. Le tout avec une discrétion exemplaire, et un sang-froid à toute épreuve. Mais sa vie avait changé, depuis ce jour là. Depuis cette rencontre. Depuis Snow, tout simplement. Le vampyr n'aurait certainement jamais put prévoir ce qui se passerait ce jour là. Mais les faits étaient là. Sans elle, sa fierté l'aurait condamné à la mort. Alors en échange, il était entré à son service, retrouvant un mode de vie qu'il connaissait. Obéir aux ordres. L'ex-lieutenant avait toujours vécu ça ou presque, depuis son enfance. C'est ainsi qu'il avait été formé par Houna, aux méthodes de combat des sangraves, bien différentes de l'assassinat. Il fallait se montrer plus direct, et ne pas hésiter à tout utiliser dans le but de faire disparaitre l'ennemi. Tout était calme autour de lui.

*Le silence règne en maitre sur ces lieux, lorsque personne ne s'y trouve.*

Lui traversait les couloirs, pour rejoindre Snow. Après son entrainement et sa lecture, il ne trouvait plus rien à faire, et allait donc se renseigner pour savoir si celle-ci avait ou pas besoin d'un quelconque service. Alors qu'il continuait d'avancer, deux formes se dessinèrent devant lui. Ces deux jeunes personnes ne portaient pas non plus l'habit des sangraves, tout comme lui-même, qui le trouvait particulièrement disgracieux, et incapable d'inspirer la frayeur. Alors sauf ordre de Snow, il ne le mettait pas. Les deux humains, puisqu'ils en était au vu de leur apparence et de leur odeur, se ressemblaient beaucoup. Certainement des membres de la même famille. Le premier était un jeune adulte, alors que la seconde était une fillette encore dans l'enfance, au moins sur le plan physique. Parce que son regard indiquait bien qu'elle était plus mature que son apparence. Des cheveux châtains avec des regards aux expressions pourtant différentes. L'un très froid, l'autre semblant innocent. Cependant, Shinzô savait qui ils étaient. Les deux serviteurs de Snow. Elle lui avait dit aussi que les deux étaient des assassins hors pair. Lorsque chacun le saluèrent à leur manière, Il répondit :

- Bonjour.

C'était généralement sa manière à lui de saluer lorsqu'il ne connaissait pas le nom des personnes. Le tout avec un ton neutre et distant.

- Il semblerait que je ne sois pas le seul à n'avoir rien à faire, et à ne pas aimer cette inactivité, je me trompe ?

En effet, hormis attendre, que peut on faire en étant debout dans un couloir ?