Visite de courtoisie

Retour à la vieille maison

Elle devait faire quelque chose, et c’était le genre de responsabilité qu’elle n’aimait pas. Myakko n’avait pas choisi la facilité en s’attachant à la jeune héritière. Devenir son maître d’arme était une chose, mais la jeune femme de son âge n’avait pas bien plus d’ami qu’elle, et elle avait fini par s’enticher de l’elfe et de lui révéler plus que ce qui était nécessaire à l’entrainement. C’est ce qui lui avait permis de monter l’empire de Porenn, mais cela impliquait aussi son propre attachement à la demoiselle, ce dont elle n’avait eu besoin par le passé à la guilde. Alors maintenant que l’héritière était clouée au lit, en pleine dépression, elle devait faire quelque chose. Mais elle n’était pas douée pour remonter le moral des gens, encore moins dans une crise de ce genre. Et puis, elle connaissait Tara, elle n’avait pas envie de pitié, de réconfort et de câlin. Enfin, si, elle en avait envie, mais ce n’est pas ça qui la sortira de son état actuel.

Elle avait déjà un plan sur le feu pour ça, et elle devait mettre en place la suite de celui-ci. Et cela impliquait du keltril. Beaucoup de keltril. Vaneloppe, qui était resté en contact avec elle, lui avait assuré qu’elle pourrait en trouver, mais l’elfe devait elle aussi mettre la main à la patte. Même si cela impliquait de retourner à la guilde. Porenn avait échoué à lui trouver le quantité de keltril nécessaire, elle allait donc devoir s’en emparer elle-même.

Elle frappa à la porte de la Guilde, et la petite fenêtre s’ouvrit sur celle-ci, alors que les yeux suspicieux du garde se plaquaient contre celle-ci.

« Mot de passe ? »

Allons bon, c’était nouveau ça. Elle releva les cheveux qui cachaient son front, révélant le symbole de l’actuel dirigeant.

« C’est suffisant ? Ouvre la porte, ou tu n’arriveras pas vivant chez toi ce soir. »

Il grommela un charabia qu’elle ne comprit pas malgré son ouïe d’elfe, et ouvrit la porte. Elle n’attendit pas plus et s’engouffra dans le petit dédale de couloir qui était une sécurité supplémentaire pour arriver dans leurs locaux. Le chemin changeait souvent, le plan modifié par les maçons de la guilde, mais ils laissaient des indications sur les pierres que les initiés pouvaient facilement interpréter.

Quand elle ouvrit la porte donnant sur la cour principale, Eza l’attendait contre le mur, derrière elle. Elle fit mine de ne pas l’avoir vu mais sa voix l’arrêta après quelque pas.

« Eh bien Myakko, on ne salue pas son vieux maître ? »

Avec un sourire forcé, celui qu’on affiche quand on croise une ex qu’on aime pas trop, l’elfe se retourna pour le fixer et lui répondre.

« Tu es vieux, mais tu n’es plus mon maître. Mais c’était toi que j’étais venu voir. J’étais parti sans le confirmer, mais je ne fais plus partie de la Guilde. Cependant, je viens te demander le droit d’accès au Réseau. Tu me dois bien ça.»

Cela lui arrachait la gueule de devoir dire ça, mais elle contenait son dégoût et ne semblait même pas en colère alors qu’elle bouillonnait encore de ce qu’il s’était passé la dernière fois.

« Mais tu y es la bienvenue, très chère. La Guilde a un petit peu changé, depuis ton dernier passage, et elle est un peu plus ouverte vers l’extérieur. Malgré tout, tu restes ici chez toi. »

Elle n’était pas surprise. Même s’il n’osait pas l’avouer, il pouvait toujours avoir besoin d’elle, et il essayait de la reprendre dans ses filets. Mais Myakko ne faisait pas deux fois ce genre d’erreur.

« Compte la dessus. J’espère que tu t’amuses bien maintenant. Si tu as besoin de moi à l’avenir, mes tarifs sont triplés pour toi. Salue Sven de ma part.»

Au moins, c’était rapide, elle ignora sa dernière remarque sarcastique et son salut. Elle reparti d’où elle venait sans un regard en arrière. Elle avait des courses à faire.