Dans la forêt profonde

Kaloo atterrit donc silencieusement dans la clairière qu'avait proposé Crystal. Les filles descendirent immédiatement, avec soulagement. Elles étirèrent leurs muscles endoloris, puis se mirent immédiatement à l'affut du moindre bruit suspect et observèrent avec méfiance la forêt alentour, trop sombre à leur goût, avec l'angoisse de voir apparaitre des monstres. Normalement, les zombies ne devraient pas les avoir entendus, ni vus, mais sait-on jamais, prudence est mère de sûreté, et paranoïa est mère de survie.
« Regardez les lunes. Il va faire jour dans une heure ou deux, même pas. »
Obéissantes, elles levèrent les yeux et constatèrent que, en effet, les lunes n'allaient pas tarder à disparaitre. Bon ou mauvais signe ? De jour, ils pourraient mieux voir et détecter les zombies qui les attaqueraient... mais inversement, les monstres pourraient mieux les repérer.
Pendant que les garçons se mirent à débattre sur la nécessité, et surtout la sécurité, d'allumer un feu, les pirates s'avancèrent de quelques pas pour inspecter les alentours. Toutes deux savaient que rester plantés au milieu d'une clairière était vraiment une très mauvaise idée. Il fallait trouver un lieu sécurisé où se reposer, d'urgence. Ils étaient tous fatigués à somnoler debout, il fallait absolument dormir.
La meilleure solution était de se cacher dans un arbre, elles étaient à peu près sûre que les zombies ne seraient pas capable d'aller les chercher là haut. Après tout, un arbre comme un géant d'acier serait largement capable de les supporter tous, et de leur offrir un très bon abri.
Elles revinrent vers les garçons pour leur faire part de leurs inquiétudes et surtout de leur stratégie, et les trouvèrent silencieux, assis contre leur familier. Ils leur donnaient envie de dormir, cela ne les aidait vraiment pas. Elles s'approchèrent donc, et s'appuyèrent contre un tronc à proximité (s'assoir en terrain inconnu n'était pas une bonne stratégie de survie).
« Pourquoi vous restez avec nous ? »
Surprise de cette question inattendue, elles levèrent les yeux et les dévisagèrent en silence. Jeff semblait, comme à son habitude, plutôt provocateur, tandis qu'Ace, curieux. Bon, bien sûr, ils gardaient toujours cette expression d'inquiétude, mais la voir sur tous les visages était devenu une habitude, et elles ne la remarquaient même plus, d'autant qu'elle devait être présente sur leur visage aussi.
Elles ne savaient pas quoi répondre, tout simplement parce qu'elles ne le savaient pas vraiment elles-mêmes.
« Vous pourriez partir. En fait, vous auriez pu vous casser n'importe [quand]. Ou nous balancer aux zombies comme vous avez fait avec Elya. Ou même nous laisser au labo sans nous réveiller. On vous ralentit, de toute façon. Pourquoi vous restez ? »
C'est vrai, qu'elles pouvaient s'en aller. Mais pour aller où ? De toutes manières, ils étaient coincés ici, tous, derrière ce dôme. Et il y avait aussi le fait que de toutes manières, elles avaient besoin d'un guide pour aller à l'Océan Bleu, et que les garçons n'avaient pas eu le réflexe de les dénoncer pour toucher une récompense, mais bien de les aider (bon, en échange, elles sont censées leur laisser la vie sauve, mais pour le moment, pas grand chose ne leur donnait envie d'en vouloir à leur vie). D'ailleurs, cela leur plaisait bien, d'avoir rencontré un tatris (mignon en plus), qui ne profite pas de leur situation pour leur propre compte personnel. Dans la piraterie, c'est un peu chacun pour soi, et surtout chacun pour son trésor.
Elles savaient qu'elles se voilaient un peu la face : elles pouvaient très bien trouver un autre guide (bon, ça allait être plus compliqué de menacer quelqu'un sans arme et sans magie, maintenant, mais on trouve toujours plus faible que soi !... ou plus fort.). En fait, elles restaient avec eux et leur sauvaient la vie parce qu'elles les aimaient bien... Voire même plus que bien. Mais ça, pas question de le leur dire.
Elles avaient de quoi répondre, d'autant qu'elles avaient un autre argument-bombe en réserve. Crystal déclara, non sans gêne de leur montrer qu'elles avaient, effectivement, besoin d'eux :
« On connait pas la route de l'Océan Bleu. On connait pas la terre, on a toujours vécu sur la mer. On connait pas les gens, les pays, les langues, et les animaux. On ne pourrait pas se débrouiller seules. Ou du moins, on galérerait à mort. »
Khao approuvait avec des hochements de tête, puis enchaina :
« On est resté avec vous depuis le début, et aussi avec les autres tarés et la une-tête muette, parce que même si vous n’étiez pas très utiles, tous les cinq, on est toujours plus forts à plusieurs, et face aux zombies, on aurait eu du mal toutes seules. Et on vous a prévenu tout à l'heure, parce qu'on vous le devait.
- On vous le devait, parce que vous ne nous avez pas dénoncées pour avoir une récompense, au lieu de ça, vous nous avez aidées, malgré nos menaces, sans chercher à nous piéger aucunement.
- On est des pirates, mais on est pas comme eux, sans foi ni lois, on a un minimum d'honneur, quand même. »
Elles laissèrent un petit temps de silence, puis Crystal se décida à larguer la bombe, avec un petit sourire en coin :
« Et puis... Seriez-vous près à nous laissez partir ? Je veux dire... Nous avons un familier à présent... Je ne pense pas que vous laisseriez Kaloo s'en aller avec nous comme ça...
- ... Vu comment un de vous deux le vénère, ajouta Khao avec un hochement de tête vers Ace, ajouté à un sourire amusé.
- Vous nous auriez certainement poursuivies, et cela aurait pu être dangereux, étant donné les circonstances actuelles.
- Quitte à devoir rester avec vous, autant que cela ne soit pas dangereux pour nous. Il ne vaut mieux pas attirer l'attention en ce moment. »
Elles se turent. Mais Crystal n'arrêtait pas de réfléchir. Pourquoi leur avaient-ils posé cette question ? Ce n'était pas vraiment la chose à laquelle il fallait penser en ce moment... Que feraient-ils si... Elle sourit et demanda :
« Et vous ? Pourquoi vous vous barrez pas ? Pourquoi vous restez avec nous, après ce qu'on a fait à votre amie ? Hormis le fait que Kaloo soit notre familier à présent, rien ne vous attache à nous. On ne mérite pas que vous nous aidiez, pas vrai ? »

Crystal fut surprise de la réponse d'Ace, qu'il venait de leur balancer d'un ton calme, sans hésitation aucune. Elle qui pensait qu'elles le terrifiaient... elle avait tord. Bon, en même temps, comme il le dit, elles leur avaient sauvé trois fois la vie, pas étonnant qu'il ne les craignait plus.
Khao dévisagea Ace, et comprit qu'elle l'avait mal jugé. Ses propos étaient emplis de bon sens, et d'honnêteté. Elle ne discernait aucune inquiétude dans sa voix. Elle qui le pensait trouillard et le tenait en piètre estime...

Elles aussi n'étaient pas à l'aise. Qui se sentirait bien ici, de toutes façons ? A la merci de monstres mangeurs de chair vivante, enfermé sous un dôme transparent, sans aucune échappatoire, voué à une mort atrocement douloureuse... Fantastique perspective.
Maintenant qu'ils s'étaient tous bien mis d'accord sur leurs motivations pour rester ensemble, le silence revint. Crystal, malgré la fatigue qui engourdissait ses muscles et son cerveau, réfléchissait furieusement au sujet de ce dôme. Elle ne pensait pas que le gouvernement de Viridis avait abandonné tout ce petit monde et les avait emprisonné ainsi. D'autant qu'ils devaient avoir peur que cela s'étende, et ne se localise uniquement dans ce village.
Après un long silence de méditation, Crystal déclara :
« Je ne pense pas que l'on nous ai enfermés sous ce dôme comme ça. Je veux dire : certes, nous sommes en quarantaine, mais c'est juste pour éviter que cette... maladie... ne se propage dans toute la population du pays. A mon avis, ils sont en train de chercher une solution, ils auraient trop peur que cette infection se déclare ailleurs dans le pays, voire sur la planète. Ils doivent rechercher activement un remède. Je ne pense pas que nous soyons ainsi condamnés. Il nous faut survivre dans cette prison jusqu'à-ce qu'ils trouvent la solution. Là, ils nous libéreront, soigneront tout ce petit monde, et nous seront vivants. Il faut tenir. »
Elle se doutait que c'était sûrement un peu trop optimiste, les gouvernements pourraient très bien mettre des années à trouver comment stopper cette maladie, et ils ne pourraient pas tenir aussi longtemps là-dessous. Mais elle refusait qu'elles se laissent abattre. Elle refusait qu'elles meurent. Elles avaient une vie devant elles, elles étaient jeunes. Elles ne devaient pas mourir ici, aussi bêtement.

Khao commençait sérieusement à ne plus en pouvoir. Ils devaient absolument bouger de là et se trouver un endroit sûr où se reposer. Se lamenter ou discuter de leurs sentiments respectifs ne les ferait pas survivre, ça c'était une évidence.
« Bon écoutez, c'est très chouette notre discussion, vraiment, je m'amuse comme une folle, j'espère que ça se voit, mais en fait là, on est un peu les proies idéales. Donc bon, je sais pas pour vous, mais j'ai pas spécialement envie de moisir ici. On doit bouger. On doit se trouver un arbre où grimper et se mettre en sécurité. Ou tout du moins se mettre en peu plus en sécurité que plantés au milieu d'une clairière en train de boire une tasse de thé. Surtout qu'on doit bien entendre que nous dans cette forêt. »
Crystal hocha la tête, tout à fait d'accord avec sa soeur de corps.
« Vous venez si vous voulez, puisqu'on vous fait moins peur que les zombies, mais nous on s'en va. »
Les pirates se détachèrent du tronc et commencèrent à marcher dans la forêt, silencieusement, les sens en alerte, à l'affut du moindre bruit, mouvement ou parfum suspect. Elles savaient précisément ce qu'elles cherchaient, à savoir un grand et gros arbre, mais encore fallait-il le trouver.
Elles n'étaient pas habituées à évoluer dans un terrain comme celui-ci. Ayant toujours vécu sur un bateau, avec de la flotte salée autour, marcher sur un sol couvert de feuille, de terre et d'herbe, être entourées d'arbres de toutes tailles et de toutes formes les mettait mal à l'aise. Elles se sentaient oppressées.
Elles marchèrent un moment, mais dans une forêt comme celle-ci, il ne fallut pas bien longtemps avant de tomber sur le végétal idéal.
Elles levèrent les yeux et furent satisfaites. En plus, le tronc rugueux et les branches basses rendaient l'escalade plus facile. Sans hésiter, elles commencèrent à grimper. Le temps qu'elles avaient passé en haut du mat, dans la vigie, leur avait permis de ne pas avoir peur du vide, c'est pourquoi elles escaladèrent l'arbre sans trop de difficulté. Elles l'avaient bien choisi : ses branches étaient énormes, très serrées permettant ainsi une ascension plutôt aisée, et surtout, elles ne tardèrent pas à trouver un grand creux entre plusieurs branches qui leur permettrait aisément de se coucher et d'y dormir. Par précaution, elles s'attacheraient à une branche avec leur ceinture, histoire de ne pas mourir bêtement d'une chute.
Elles se retournèrent et se penchèrent vers le bas, en jetant tout bas :
« Vous venez ? On a trouvé où dormir ! »

Malgré l'obscurité encore bien présente, elles pouvaient deviner la silhouette des garçons, qui escaladaient lentement mais sûrement l'arbre-abri. Elles levèrent le nez et observèrent attentivement les bois, depuis leur perchoir. Dans la pâle lumière de l'aube, elles commençaient à distinguer les formes de la forêt. Une légère brise faisait bouger les branches des arbres, comme si elles étaient bercées par le vent. Cependant, elles ne pouvaient pas voir le sol, trop sombre, et donc étaient incapable de distinguer quoi que ce soit pour le moment, et auraient voulu savoir s'il y avait des animaux dans cette partie de la forêt, car il faudrait bien manger, aussi. Une chose les rassurait : le doux son de l'eau coulant sur des pierres : un ruisseau se situait à proximité, et cela signifiait qu'ils ne mourraient pas de soif, déjà. Elles ne distinguaient pas d'autres bruits que le bruissement des feuilles, l'écoulement du ruisseau, et un hibou, qui n'allait pas tarder à se taire avec le jour naissant. Elles étaient ainsi rassurées : aucun grognement ne se faisait entendre, et à l'altitude à laquelle ils allaient dormir, pas grand chose ne pourrait leur arriver. Leur peur s'estompait, ne laissant place qu'à une inquiétude dérisoire, comparée à la terreur qu'elles ressentaient auparavant.
Les odeurs, elles aussi, étaient normales. Aucun relent de chair putride ne venait les dégoûter, juste la senteur agréable et fraîche de la forêt. Elles fermèrent les yeux un instant, savourant ce moment de tranquillité et de sécurité.
La voix de Jeff vint troubler ce calme paisible :
« Bon, eh bien... Bonne nuit ? »
Ils s'étaient installés juste au-dessus d'elles, avec Kaloo. Elles sentaient dans leur esprit que sa peur à lui aussi s'était calmée. Ils étaient tous apaisés pour dormir.
Elles ressentirent soudain le besoin de ne pas dormir seules, et d'être blotties contre quelque chose de chaud. Elles n'avaient jamais dormi avec qui que ce soit, même pas leurs parents. Les pirates étaient élevés à la dure depuis leur naissance. Il fallait bien qu'ils apprennent à survivre tôt dans ce monde de brute. Mais après la terreur qu'elles avaient ressentie, elles ne voulaient pas dormir seules. Elles escaladèrent donc les quelques branches qui les séparaient de leur familier et vinrent se blottir contre lui, contre la chaleur un peu plus rassurante de ses plumes.
Elles retirèrent leur ceinture puis s'attachèrent à la branche sur laquelle elles s'étaient installées.
« Bonne nuit, répondirent-elles de concert. »
Les têtes dans les plumes confortables et légèrement rassurantes de Kaloo, elles se laissèrent enfin se détendre légèrement. Elles eurent du mal à s'endormir, à oublier les bruits de la forêt, les craquements des branches, les animaux se déplacer, le bruissement des feuilles, et surtout cette angoisse toujours présente, mais finirent néanmoins par sombrer dans un profond sommeil agité.
Leurs cauchemars commençaient toujours par une vision rassurante : leur cabine, au Last Hope, la vision de leurs pères ou de leurs mères, de l'océan, ou les garçons qui leur souriaient sur une plage, puis finissaient toujours par se finir avec des zombies se précipitant vers eux avec une intention bien visible.
Un cauchemar particulièrement terrorisant les réveilla en sursaut, en sueur et haletante. Elles regardèrent autour d'elles un instant, en panique, puis réalisèrent qu'elles étaient en hauteur, en sécurité, et se calmèrent.
« Pfiou... Ca devient impossible, il faut vraiment qu'ils trouvent une solution et nous libèrent... souffla Crystal, fatalement. »
Khao approuva. Elle aussi était terrifiée, et voulait au plus vite retrouver leur vie normale, piraterie et pillages, créatures normales et sécurité (approximative). Enfin... si tant est qu'elles retrouvaient le Last Hope arrivées à l'Océan Bleu, ce qui n'était pas trop dit, encore.
Il faisait jour, à présent. La lumière des deux soleils d'AutreMonde parvenait à percer le toit de feuilles et la forêt était remplie de faisceaux lumineux éclairant le sol. La possibilité de pouvoir voir et surveiller les environs les rassura. Elles observèrent la forêt, et découvrir ce dans quoi elles avaient marché hier, à la recherche de leur arbre. N'ayant jamais vraiment pénétré dans une forêt auparavant, elles furent étonnées de ce qu'elles virent. Il y avait des tas de trucs partout, des végétaux de toutes les couleurs et de toutes les formes, des arbres de toutes tailles, et des petits animaux bizarres qui fouinaient sous les plantes basses.
Elles tournèrent les têtes vers les garçons. Ceux-ci, les yeux fermés, n'avaient pas l'air effrayé ou serein... Ils n'avaient pas d'air du tout en fait. Elles ne pouvaient pas définir les têtes qu'ils faisaient. Eux aussi s'étaient attachés, la perspective de la chute ne les avait eux aussi pas vraiment intéressés.
Elles regardèrent en bas et furent soulagées de ne rien constater de particulier, à part de la terre, de l'herbe, des troncs et des feuilles. Les seuls bruits qu'elles pouvaient entendre étaient le chant des oiseaux (qu'elles n'avaient pas particulièrement l'habitude d'entendre mais qui les rassurait quand même).
Elles songèrent à ce qu'ils allaient faire, à présent. Ils ne devaient qu'attendre, et survivre, surtout. Pour le moment, elles n'avaient pas vraiment faim, mais par contre, elles avaient soif. Elles se souvinrent du ruisseau qu'elles avaient entendu la veille et se redressèrent, après s'être détachées de leur branche. Kaloo remua quelques plumes mais ne sortit pas la tête de sous son aile.
Elles se levèrent et descendirent précautionneusement de l'arbre dans lequel ils avaient trouvé refuge. Arrivées en bas, elles s'accroupirent et écoutèrent. Elles avaient terriblement peur de tomber sur un zombie égaré (voire une horde égarée) maintenant qu'elles étaient descendues de leur abri. Silencieusement et prudemment, elles commencèrent à se diriger vers la source du bruit de l'eau, en prenant soin de se camoufler sous les plantes épaisses et colorées. Quelques dizaines de mètres plus loin, elles arrivèrent devant leur ruisseau, qui s'avéra être parfaitement utilisable comme source d'eau. Elles se désaltérèrent longuement puis s'assirent dans l'herbe, entre plusieurs plantes hautes les masquant complètement.
Les pirates ne savaient pas vraiment quoi faire. Il allait bientôt falloir trouver de quoi manger. Il n'était pas question de retourner au laboratoire pour le moment. Elles se demandaient si aller au village ne serait pas nécessaire, mais elles avaient trop peur de ce qu'elles allaient y découvrir, il devait y avoir des centaines de zombies là-bas. Ne restait plus qu'une solution : chasser. Mais elles ne savaient pas faire ça, elles n'avaient aucune idée de comment faire, et ce sans arme, en plus.
Elles décidèrent d'attendre que les garçons se réveillent, déjà. Et pendant ce temps, elles devaient explorer les environs. Cela les rassurerait. Elles se levèrent et se mirent à marcher au hasard dans une direction quelconque, toujours avec prudence.

Tout semblait calme. Aucun bruit, ou aucun silence soudain et inquiétant, ne venait troubler l'agitation paisible de la forêt. Elles reprirent contenance et se rassurèrent en faisant le tour de l'endroit où ils avaient dormi. Elles avaient l'impression de reprendre la situation en main. Enfin, tout du moins, un peu.
Soudain, elles ouïrent des pas peu discrets, et une grande ombre leur bondit dessus et les agressa violemment. Enfin ce fut l'impression qu'elles eurent. Elles crièrent de surprise, et se mirent en position de combat, prêtes à défendre chèrement leur peau. Mais, elles furent surprises de constater que, non, aucun coup de vint, aucune douleur à supporter n'apparut, il n'y avait que des plumes jaunes qui leur balançaient de l'air à la figure et un sentiment de joie qui les submergeait. Et leurs neurones se connectèrent et elles comprirent : c'était Kaloo, leur familier. Elles étaient tellement concentrées afin de repérer des bruits suspects et d'éventuels dangers qu'elles n'avaient pas fait attention à leur connexion mentale avec leur familier, qui lui apparemment, ne les avait pas oubliées.
Elles ne surent pas vraiment quoi faire, puis se détendirent, et caressèrent les plumes de leur familier.
« Qu'est-ce que vous foutiez ?
- Vous avez trouvé à manger ? »
Elles se doutaient bien que les garçons n'étaient pas loin. Elles se tournèrent vers eux.
« Salut, nous aussi ça va, merci beaucoup de vous inquiéter pour nous, ironisa Crystal.
- Je constate qu'on vous a beaucoup manqué, renchérit Khao.
(Crystal réalisa soudain, et lâcha, énervée :)
- Nan mais bon sang, vous vous rendez compte que vous n'êtes pas discrets ? On vous a entendu marcher comme des draco-tyrannosau... »
BOUUUUUM !!
Les filles ouvrirent de gros yeux et regardèrent autour d'elles, effarées.
BOUUUUUM !!
Les arbres tremblèrent, les oiseaux s'envolèrent avec grands cris, des animaux surgirent des broussailles et coururent comme si leur vie en dépendant, ce qui, vu ce bruit effrayant, était probablement le cas.
BOUUUUUM !!
Le bruit se rapprochait, et Crystal et Khao regardèrent, terrifiées, les garçons, mais restaient immobiles, paralysées par la terreur.
« Mais mais mais c'est quoi ça ?! cria Crystal. »
Soudain, on pu distinguer une silhouette gigantesque à travers les broussailles, et cette silhouette avait la forme d'un...
« Draco-tyrannosaure... souffla Khao, les yeux écarquillés, C'est un putain de draco-tyrannosaure. »
Crystal secoua la tête :
« Mais mais mais... »
Khao comprit que sa soeur de corps avait buggé. Dans l'urgence de la situation, sans attendre l'avis de sa moitié, elle prit les commandes de leur corps et se mit à courir. La créature poussa un hurlement retentissant, et Khao courut plus vite encore, déjà hors d'haleine. Elle était terrifiée et ne savait ni quoi faire, ni où aller. Elle courait et c'était tout, sans se préoccuper du reste, ni de son familier, ni des garçons, ni de rien, elle cavalait, ne se préoccupant que de sa survie et de celle de sa soeur de corps, écartant les feuilles, les plantes qui lui barraient la route, esquivant de justesse les troncs d'arbre, manquant trébucher sur des racines, se griffant de partout.
Arriva un moment où elle n'en put plus et fut contrainte de s'arrêter derrière un tronc, essoufflée, pantelante. Avec leur folle course, sa soeur de corps avait dû sortir de sa torpeur car elle chuchota, avec difficulté :
« Tu crois qu'il nous suit ? »
On sentait sa terreur dans sa voix. Trop concentrées sur le danger des zombies, elles avaient oublié que marcher dans les forêt d'AutreMonde était tout sauf une promenade de santé, et qu'il valait mieux ne pas rencontrer certains éléments de la faune de cette planète, que l'on n'aimait voir qu'en photo dans les encyclopédies. Elles ne s'étaient pas douté qu'il pouvait y avoir une de ces grosses et dangereuses bestioles enfermée sous le dôme avec eux, mais après tout, ils étaient dans une forêt !
Elles tendirent l'orei... deux oreilles et écoutèrent, aux aguets, haletantes, le corps empli d'adrénaline.
Elles se demandèrent soudainement une chose : où étaient donc passés les garçons ?
« Oh la la gémit Crystal. »

Spoiler:

Epuisée, elles se laissèrent glisser le long de leur tronc d'arbre, soulagée de ne plus entendre le monstre géant qui les poursuivait. S'assoir alors que l'on risquait à tout moment de se retrouver nez à nez avec l'une des raisons pour laquelle le tourisme dans les forêts de la planète était déconseillé constituait un réflexe de survie assez discutable, mais après leur course effrénée à travers les broussailles, elles ne pouvaient plus tenir debout. Elles se mirent alors, toujours l'orei... les oreilles aux aguets, à faire le constat des dégâts sur leur corps. Soulagées de n'avoir que des griffures (oui, à ce stade de leur aventure, avoir les jambes complètement ensanglantées ne les dérangeait plus vraiment), elles posèrent les têtes contre le tronc, fermèrent les yeux et soufflèrent un instant. Soudain, elles ouïrent un bruit qui les firent sursauter. Des bruits de course. Elles tournèrent la tête et furent surprise de voir les garçons, qui les virent aussi. Elles trouvèrent le moyen de sourire, heureuses de les voir en vie et... malades.
Après leur petite affaire avec le buisson (qui d'ailleurs détesta à jamais les deux-pattes et muta ensuite pour devenir une espèce de buisson avec des épines grosses comme les doigts de leurs mains, afin qu'aucun d'eux ne puisse plus jamais lui prouver qu'ils avaient un système digestif), ceux-ci vinrent vers elles et leur parlèrent (à leur grand désespoir d'ailleurs car elle découvrait maintenant pourquoi les fabricants de dentifrices n'avaient jamais choisi le fruit de leur estomac comme parfum) :
« Cherchez pas, vous trouverez jamais mieux que nous en matière d'élégance. »
Cela leur sembla évident.
« On l'a semé, non ?
- J'espère. Sans magie, on aurait pas tenu une seconde.
- Et Kaloo, il est où ? Il s'est envolé, il nous retrouvera jamais...
- C'est dommage d'ailleurs, toute cette viande, ça aurait réglé le problème de nourriture.
- Tu veux manger Kaloo maintenant ?!
- Mais non, je parlais du draco-tyrannosaure, pauvre idiot.
- Ah, bon.
- Et vous, ça va ? »
Leur brève discussion fit sourire les pirates.
« Disons...
- ... Plus de peur que de mal.
- Mais nous avons quand même un peu mal, ajouta Khao en contemplant leurs jambes.
- Jeff a raison au sujet du draco-tyrannosaure, mais nous ne pourrons jamais le tuer...
- ... Sans arme.
- Mais il nous faudrait plus qu'une tringle à rideau...
- ... ou qu'un sabre.
- Il nous faudrait une broyette d'une très grande puissance.
- Autant dire que cela risque d'être compliqué.
- Nous devrions viser un gibier plus...
- ... abordable ? petit ? et surtout, moins dangereux.
- Qu'est-ce qui n'est pas dangereux sur cette planète ?
- Eux, fit Khao en désignant les garçons, ce qui fit rire Crystal.
- De toutes façons, quel que soit le gibier, il nous faut une arme, on ne va pas le tuer à mains nues. Nous devons en trouver, et ce ne sera pas ici.
- Tu veux dire que nous devrions retourner au village ?
- Oui. Nous devons trouver des armes, de la nourriture, cela nous permettra de ne pas avoir besoin de chasser, et peut-être, qui sait, un abri.
- Euh... et les zombies ?
- Il y a de grandes chances pour qu'ils n'y soient plus. Ils veulent manger les gens, et je ne pense pas que les gens soient restés là-bas, ils ont dû tous se barrer comme nous l'avons fait. Et s'il n'y a plus personne, il n'y a plus de proie, les zombies sont allés voir ailleurs.
- Mouais... Mais il doit bien en rester.
- De toutes façons, on n'a pas vraiment le choix il me semble que nous n'allons pas tenir très longtemps ici.
- Et nous irons comment ? A pied ? C'est dangereux, nous croiserions plein de zombies et de bestioles !
- Oui, je pensais plutôt à dos de Kaloo, mais j'ai peur que l'on se fasse repérer du ciel... mais peut-être que les zombies sont trop bêtes pour lever le nez.
- Euh... mais il est où Kaloo ?
- Euh... Bonne question. »
Trop préoccupée par leur survie, elles n'avaient pas fait attention à leur familier. Elles se concentrèrent sur le lien qui les unissaient et constatèrent avec soulagement que le canard géant était perché juste au-dessus d'eux et observait les pirates d'un air de reproche.
« Oh ça va, on savait que t'allais voler et que tu t'en sortirais. Pas la peine de nous en vouloir autant, on cherchait à survivre, on a pas d'ailes, nous, se justifia Khao en lui jetant le même regard noir qu'il lui jetait.
- Booon, du coup, votre avis c'est quoi ? demanda Crystal aux garçons sans se préoccuper des reproches que Kaloo leur envoyait par pensées. »

Spoiler:

Khao leva les yeux au ciel devant ces deux poules mouillées sans cervelle. Crystal écouta attentivement, car justement, le point de vue de poules mouillées était intéressant pour évaluer les risques. Mais l'un comme l'autre le savaient : de toutes manières, ils n'avaient pas le choix. Ils n'allaient pas survivre dans la forêt, ils ne s'en sortiraient pas.
Crystal approuva d'un hochement de tête l'idée de Ace : Kaloo leur serait d'une grande aide. Bon, il fallait juste qu'elles osent lui monter à nouveau sur le dos, mais la terreur qu'elles avaient ressentie devant les zombies la veille était beaucoup plus forte que celle de monter sur le dos de leur familier. Du coup, elles avaient l'impression d'avoir moins peur qu'avant. Ce qui devait être le cas, puisque leur lien mental s'était renforcé.
« Bon... Kaloo t'as compris ?
- Tu veux bien descendre ?
- Allez... faut y aller... »
Elles attendirent que Kaloo se pose, puis, tout en étant envahies par la réprobation de leur familier, elles grimpèrent sur son dos. Elles attendirent que les garçons montent devant elles et de décoller. Bon, bien sur, elles s'accrochèrent très fort à eux, terrifiées par le décollage, mais une fois loin au-dessus de tout, elles les lâchèrent, mais se tinrent fermement à l'arrière de la selle.
A présent qu'il faisait jour, elles pouvaient voir les environs, de leur perchoir volant. Elles remarquèrent d'abord que le dôme entourait un très vaste espace, composé pratiquement que de forêt. Le village de Thiercelieux y était perdu. Elles apercevaient le laboratoire qu'ils avaient quitté la veille, et un lac peu loin de celui-ci. Crystal plissa les yeux, et eut une pensée étrange. Le dôme, le village, la forêt, le lac, tout ceci formait comme une vaste arène où les gladiateurs devaient faire face à bon nombre de dangers venant de tous les côtés. En effet, entre les zombies, les animaux sauvages et les gens encore conscients... Oui, Crystal considérait les personnes toujours "normales" comme un danger, car dans ces circonstances, les gens pouvaient parfaitement agir de manière inexplicable juste en cherchant à survivre. Et cela pouvait être souvent très dangereux, car n'ayant rien à perdre, quelqu'un pourrait être capable des choses les plus bizarres et inattendues.
Le temps passa, elles ne cherchèrent pas à connaître la durée du trajet. Elles se contentaient d'observer le plus possible afin d'avoir une vision très précise de l'endroit où ils allaient devoir tenter de survivre.
Au fur et à mesure qu'ils s'approchaient du village, les pirates plissaient les yeux pour voir s'il était peuplé ou non, histoire de voir s'ils volaient à la mort ou non. Une fois qu'ils furent suffisamment proches, elles les virent. Il y en avait plein. Ils erraient dans les rues, certains s'acharnant sur des portes qui restaient bloquées (pour le plus grand bonheur des personnes cachées derrière).
« Oh la la... gémit Crystal.
- On est très mal barrés, fit Khao.
- Nous devons quand même y aller, et puis de toutes façons, on a pas grand chose à perdre. Kaloo, pose-toi sur une des maisons à l'orée de la forêt, ça vaut mieux. »
Leur familier obéit, et ce fut sur le toit d'une petite maisonnette qu'un canard géant se posa, chevauché par deux êtres ayant deux têtes chacun, qui craignaient de se faire manger par des monstres bipèdes mangeurs de chair humaine. [J'aime montrer comment nos rps sont WTF XD]
Les pirates descendirent discrètement de Kaloo et Crystal déclara en chuchotant :
« [bBon. On cherche de la nourriture, de l'eau, des armes. Ce qui serait cool, ce serait un sac, pour tout mettre dedans. Si on trouve de quoi dormir confortablement, c'est pas mal aussi, mais ça ne doit pas être encombrant. Et le top du top, bien sûr, c'est un abri.
- On doit pas se séparer, sinon on risque de ne jamais pouvoir se retrouver. Kaloo devrait aller se poser en hauteur pas très loin d'ici.
- Allez, faut y aller. On se déplace le plus silencieusement possible, et on parle pas. On essaye de rester en périphérie du village, au coeur ça doit être impossible.[/b] »

Elles observaient les alentours, attentives au moindre bruit suspect, au moindre grognement effrayant, pendant que les garçons trouvaient le moyen d'entrer. A présent qu'elles étaient si proches du danger, elles étaient terrifiées. Jamais dans leur vie elles n'avaient eu aussi peur aussi souvent, ça en devenait insupportable. Du haut de leur toit, accroupies, elles pouvaient apercevoir quelques silhouettes qui déambulaient d'une démarche entrecoupée et qui donnaient froid dans le dos.
Elles frissonnèrent malgré la chaleur et se tournèrent vers les garçons qui entraient par une des fenêtres. Elles jetèrent un bref coup d'oeil à Kaloo qui s'envola et les suivirent, trop heureuses de quitter l'horrible vision qu'offraient les zombies du regard. Elles découvrirent la chambre en même temps que les garçons. Alors que ceux-ci s'en allaient à la découverte des autres pièces (sans vraiment de prudence apparente, ce qui fit grimacer les pirates), les filles y restèrent pour l'observer plus longuement. Elles s'approchèrent du placard pour voir les habits de plus près. C'était des habits féminins, et ça tombait bien parce que leur pantalon était tout déchiré depuis leur course dans la forêt. Elles en attrapèrent un qui semblait solide et qui était de couleur marron (donc pratique peu voyant), retirèrent le leur et l'échangèrent en grimaçant lorsque les tissus frottèrent contre leur peau. Bon bien sûr, elles ne purent pas changer de tee-shirt puisqu'il leur en fallait un spécial pour deux têtes.
En passant devant les livres, Crystal, qui aimait bien les poèmes elfiques et apprenait la langue, songea que s'ils restaient ici, elle ne s’ennuierait pas. Khao regarda les livres d'un air dédaigneux. Elles rejoignirent les garçons, ne voulant pas les perdre trop longtemps de vue (ça valait mieux), et les virent prendre un kit de premier soin. Elles n'y avaient pas pensé, trop habituées aux réparus pour s'en préoccuper. Elles auraient voulu pouvoir prendre une douche, histoire de se sentir propres, mais nulle trace d'un élémentaire.
Elles grimacèrent lorsqu'ils descendirent les escaliers qui grinçaient, et tendirent les oreilles pour savoir si cela avait attiré un quelconque zombie qui pouvait zoner en bas.
Mais tout allait bien, et dans la cuisine se trouvait un frigo contenant quelques aliments. Elles attrapèrent elles aussi des mrumgnons et croquèrent dedans. Cela leur firent du bien de savoir qu'elles mangeaient. Elles se sentirent curieusement optimistes après la découverte de cette maison vide.
« Qu'est-ce qu'on fait ? On reste ici ?
- Le mec qui habite ici est pas près de revenir, si vous voulez mon avis. »
Les filles échangèrent un regard. Khao prit la parole la première :
« La meuf qui habitait ici tu veux dire. Mais oui, t'as raison. Et au pire si elle revient, elle sera contente de savoir qu'il y a d'autres gens encore normaux de vivants.
- C'est vrai que cette maison en bordure de forêt et avec des fenêtres donnant sur le toit est idéale pour pouvoir s'enfuir vite.
- Moi je pense qu'on pourrait rester là. On peut en faire notre QG.
- Oui, mais nous n'avons toujours pas d'armes, et apparemment, pas d'eau non plus.
- Je me demandais si les élémentaires pouvaient aussi se faire transformer en zombie...
- ... Khao c'est bien le moment.
- Oui mais avoue que ça pourrait pas être très cool.
- C'est pas faux, mais je ne pense pas qu'un élémentaire puisse se faire contaminer... comment mordre un élémentaire, surtout d'eau ? C'est pas un organisme "normal".
- Mouais...
- Fin bref. On pourrait faire de cet endroit notre QG, comme tu dis, mais aller dans les maisons alentour pour trouver d'autres trucs. »
Elles s'approchèrent de la porte d'entrée pour voir si celle-ci était solide. Après inspection, elle sembla acceptable. Elles tournèrent la poignée, elle était ouverte.
« Ca sait utiliser une poignée un zombie ? interrogea Khao.
- Toi et tes questions...
- Il me semble que c'est quand même un point à savoir...
- Je pense pas qu'ils puissent, mais on va pas attendre de le savoir. »
Elle avait vu la clef accrochée juste à côté de la porte, l'avait attrapé et l'avait introduite dans la serrure. Heureusement que la personne habitant ici n'avaient pas confiance en un sort verrouillant les portes. Et était sortie sans fermer. Probablement poursuivie par un zombie. Brrr...
« Bon bah... On a plus qu'a aller voir nos chers voisins. Vous croyez qu'ils sont en état de putréfaction ? demanda Crystal pince-sans-rire. »
Elles ouvrirent la porte, jetèrent deux yeux* discrets, puis, constatant qu'il n'y avait pas de danger, sortirent sur la pointe des pieds. En longeant silencieusement les murs, elles se dirigèrent vers la porte de la maison voisine. Elles observèrent l'intérieur à travers la fenêtre. Cela paraissait vide. Les pirates tournèrent la poignée. Cette porte aussi était ouverte. Elles entrèrent en retenant leurs souffles. Mais personne. Elles poussèrent un soupir de soulagement et s'approchèrent en tout premier du robinet.

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