Fioles et autres ustentiles...

Shryss venait de sortir pour la deux-cent-sixième fois de sa vie, avec la même habitude. Elle avait pris plus de potions, car ses amnésies étaient de plus en plus fréquentes et longues, une fois, elle n'avait pas reconnu sa mère, elle avait oublié qu'elle avait changé de coiffure alors que ça datait d'une semaine, et lui avait demandé "ce qu'elle fichait ici, dans sa maison" ! La raclée qu'elle avait reçue, elle devait en avoir toujours la marque. Alors, rendez-vous chez le chaman-apothicaire. Et voilà, des tonnes de flacons à porter, même deux gourdes, toutes remplies de potions différentes selon la durée de ses amnésies. Elle avait marre de ses potions qu'elle trouvait dégueulasses, et pourtant devait boire de plus en plus fréquemment. Elle aurait aimé être une elfe normale, pas une elfe "malade" ! Elle trouvait que les flocons étaient très volumineux, elle n'avait pas de sac et elle devait en porter environ vingt, en équilibre très instable. Elle voyait des oiseaux, dont quelques bobelles sur un arbre, magnifiques. Elle les contemplait, et dans sa rêverie, ne regarda pas où elle marchait. Les pierres sur la route sont rares, mais ils existent, et avec un peu de malchance, on tombait dessus pile au mauvais moment. Son pied rencontra une forme de pyramide mais en beaucoup plus petit, très pointu en haut, qui transperça ses semelles de ses escarpins, pour arriver à son pied. Cela la surprit, car la douleur fut intense durant un bref instant, jusqu'à ce qu'elle relève son pied. Mais durant cette action, elle avait oublié qu'elle portait des choses, des machins, des trucs quoi ! Et, logiquement, tout tomba. Elle réussit à en attraper trois en plein vol, mais ne fit que dévier le trajectoire des autres. Le vieux chaman avait garanti l'incassabilité des flacons, et autres gourdes, en insistant sur la qualité du verre. Elle ne put dire qu'un simple :
- Mince !
avant la pluie de ses potions sur le sol, car bien entendu, des flacons (mais pas tous) s'étaient brisés. Elle se promit de parler de la qualité des son verre au chaman, mais cela n'arrangerait rien. Ses escarpins noirs avaient reçus des liquides bleus, rouges, orange et d'une sorte de brun se rapprochant un peu plus du bleu. Aïe. Elle n'aurait pas pu faire mieux, ne pas regarder ces foutus oiseaux qui l'avait distraite, par exemple ? Mais de toute manière, on ne pouvait pas revenir en arrière. Elle se mit à avoir une haine féroce contre le caillou, qu'elle balança du pied plus loin. Elle avait un trou dans sa chaussure de gauche, et comme celle de droite, celle-ci était multicolore. Bon, cela pouvait se réparer, mais ça l'énervait, vu que sa magie pourrait à peine faire un Séchus et pour la réparation du trou dans sa semelle, elle ne savait pas si elle réussirait. Bref, elle se baissa pour rattraper les dix-douze flacons survivant de sa "bêtise", et aperçu... Un pied.

HS : C'est un peu court par rapport à ce que je fais d'habitude, mais je t'avais prévenue, héhé.

- Ttt' !

Le petit son, formé par une pression des dents incisives sur la langue, et si carastéristique de l'agacement des gens nerveux, l'accueillit tandis qu'elle relevait la tête.
Immédiatement suivi d'un regard glacial.

- J'espère que vous avez une bonne raison, jeune Elfe, pour avoir renversé de la sorte vos ustensiles sur ma robe en poil de vrrirr. Et que vous aurez également les moyens de me rembourser son coût... dit Snow d'une voix méprisante, à son habitude, en secouant ses longs cheveux argentés, l'un de ses tics lorsqu'elle était énervée.

Sa journée avait pourtant bien commencé. Ou, plutôt, elle n'avait pas mal commencé. Elle avait passé quelques heures durant la matinée dans la salle des tortures à interoger de pauvres créatures, et comptait sur la satisfaction que ce type de pratique suscitait toujours chez elle pour lui faire sa journée.

Magister leur avait confié, à son esclave personnel Mathéo ainsi qu'à elle-même, une mission "de routine" (pour Snow, les missions se ressemblaient toutes, aucune ne lui semblait jamais réellement digne d'intérêt) qui devait, lors de l'une de leurs étapes, les mener à Selenda. Bien évidemment, si la population elfique avait vu des sortceliers masqués et vêtus de gris se balader tranquillement dans la rue, leur discrétion en aurait rapidement pâti.

Aussi, Snow avait choisi d'apparaître sous son image "officielle", à savoir celle de conseillère de l'Impératrice d'Omois, sans aucune dissimulation de son apparence. Mathéo se tenait à quelques mètres d'elle et en parallèle, assez loin pour qu'on ne les soupçonne pas d'être ensemble, mais assez près au cas où ils auraient besoin d'échanger des informations précipitamment.

Tout aurait normalement bien dû se dérouler. Ils auraient traversé cette rue encombrée de passants, ils auraient récolté les informations dont ils avaient besoin, ils seraient rentrés à la Forteresse Grise et auraient fait leur compte-rendu d'une voix morne devant le Maître, et seraient retournés vaquer à leurs occupations habituelles.

Mais Snow était passablement agacée par cette foule dense, compacte, bruyante, qui lui barrait sans cesse le chemin et l'empêchait de marcher normalement. Et, lorsque cette jeune Elfe, qui n'avait eu pour seule faute que de passer trop près d'une femme réputée pour son irascibilité, laissa s'échaper de ses mains des fioles donc certaines atterirent sur Snow... La Sangrave sauta sur l'occasion pour se défouler un peu. Oubliant tout, même sa mission, même Mathéo. Vilaine Snow.

- Ttt' !

Ttt ? Quoi, Ttt ? Qu'est-ce qu'elle lui disait, cette nouvelle venue ? Lorsque l'on rencontre quelqu'un, on ne lui dit pas "Ttt", mais on est plus poli.
- J'espère que vous avez une bonne raison, jeune Elfe, pour avoir renversé de la sorte vos ustensiles sur ma robe en poil de vrrirr. Et que vous aurez également les moyens de me rembourser son coût...
Mince, elle avait... coloré sa robe ! C'était drôle, mais elle se dit que la nouvelle-venue n'apprécierait pas qu'elle lui manque de respect. Elle ne savait pas qui elle était, mais une sorte d'instinct lui disait de ne pas lui manquer de respect. Après tout, elle avait parlé... Bizarrement. Comme si elle était sur son passage et la dérangeait. Le mieux lui serait encore de s'incliner, mais il ne fallait pas abuser de son respect, quand même !
Elle se dit que de toute manière, ce n'était pas grave, elle pouvait réparer les dégâts... Avec un petit sortilège; et hop ! on n'en parlerait plus. Elle essaya donc d'activer sa magie.
Rien.
Elle réessaya.
Sans succès. Le pauvre de magie qu'elle avait faisait grève, aujourd'hui, ou quoi ? Elle ne pouvait pas incanter. Mais pourquoi ? Elle essaya une troisième fois, découragée. évidemment, il ne se passa pas.
Elle s'excusa :
- Désolée, ma magie ne veut pas s'activer. Excusez-moi de ma gaffe, j'étais distraite par ces ---- (elle se tait) de bobelles et autres oiseaux !
Elle s'admira. Wawe, quel discours ! Elle n'avait jamais rien fait de mieux. Mais bon, elle se demanda si elle n'aurait pas mieux fait de lui répondre moins... poliment.

-" Désolé... Je ne voulais pas..."
Shryss se dit que décidément, cette nouvelle-venue n'avait pas de chance, aujourd'hui ! Mais bon, au moins, elle n'étais pas la seule à avoir tendance à gaffer. Elle décida de profiter de cette occasion pour reculer, oh, légèrement, mais de reculer quand même. Elle reculait, car elle se disait que comme elle n'avait pas pu nettoyer sa robe, elle lui demanderait réellement de la rembourser et elle voulait économiser ses maigres réserves de crédits-muts à autre chose. Alors, s'éclipser discrètement, et laisser ce pauvre nouveau-venu subir la colère de la "grande". Elle reculait sensiblement, prenant garde de ne pas trébucher sur un caillou. Et, bam, la malchance fondit sur elle. La malchance, elle n'en avait pas souvent, mais là... Elle n'avait pas regardé le ciel et... Pourquoi c'était tombé sur elle, là, à cet endroit ? Elle n'avait rien fait de mal... Et ça... Mais pourquoi ? Elle aurait tout fait pour ne pas l'avoir, et surtout les conséquences. Même payer dix fois la robe de la "grande". Car un bobelle, oui, un de ces oiseau de malheur, un oiseau de *****, avait estimé qu'elle serait un bon sépulcre pour ses déchets quotidiens, et... et une crotte d'oiseau était bien visible sur sa tête. La honte en perspective. Et sa magie ne voulait pas s'activer pour l'enlever. Elle essaya de l'enlever, méthode traditionnelle, c'est-à-dire avec la main, mais la tâche ne faisait que de l'étaler. Elle rougit comme une pivoine, genre grosse tomate. Elle ne s'était éloignée que d'un mètre et... Elle était bien visible de la "grande".